Des navires protestants à la dérive

 
 

Expédition Walker 1711:

Voici comment a échoué une tentative d’invasion anglaise, dont l’échec est dû non aux exploits des armes françaises, mais à une série d’accidents. Sœur Marie Morin décrit cet assaut à Québec : «C’est avec bien du plaisir, que je fais ici quelques remarques sur ce qui arriva quand les Anglais firent un second effort pour se rendre maîtres du Canada par la force de leurs armes ».

Pour cela, ils envoyèrent 14 à 15 mille hommes fort bien équipés de toutes munitions tant pour les armes que pour les vivres, avec de bons navires de ligne capables d’attaquer et de se défendre pour assiéger la ville de Kebec (Québec), capitale de toute la Nouvelle-France, du côté de la mer en bas, et par en haut, une autre armée de trois mille hommes pour venir fondre sur la Ville Marie (Montréal), le poste plus avancé et exposé aux coups de nos ennemis, mais aussi la plus forte par la protection que la très digne mère de Dieu a pour tous les habitants de cette ville, qui est consacrée dès son commencement, et sur laquelle ils fondent leurs espérances, comme je le dirai plus bas (Commentaire de Histoire-Du-Quebec.ca : en effet, l’amiral anglais Walker dispose d’une flotte de près de 90 navires et de 12000 marins et soldats qui assiègent Québec. Le général Nicholson qui avance du sud vers Montréal dispose de 3000 soldats anglais et de 700 Iroquois. Du côté français, on trouve environ 5000 hommes).

Monsieur de Vaudreuil, Gouverneur général, fut averti de la cour du dessin des Anglais afin qu’il se mit en état de leur résister. Il le fut encore par l’Acadie, Plaisance et l’île Percée, du côté du bas, et par en haut par les Sauvages, nos amis, en sorte qu’il n’en douta point. Profitant de ces lumières et avis, il fit travailler incessamment à fortifier la ville de Québec et donna des ordres pour la conservation des côtés et bourgades d’alentour, avec beaucoup de sagesse prudence, et cela dès le commencement du printemps de l’année 1711, c’est-à-dire au mois d’avril ou vers la fin de mars.

Monsieur de Ramezay, Gouverneur de Ville-Marie (Montréal), ne manqua aussi, de sa part, à donner des ordres à tous les habitants d’alentour et dans tout son gouvernement de se tenir sur leurs gardes et prêts à partir pour aller au devant des ennemis aussi tôt qu’il les saurait en marche pour venir à nous, et cela à pied au travers des bois.

Il envoya incessamment des découvreurs du côté de l’Angleterre pour s’assurer si leur armée était en marche. Pendant 4 mois, on fut en mouvement continuel, du moins les hommes, puisqu’on avait été averti que l’armée d’en-bas assiégèrent Québec au plus tard vers la mi juillet et que celle d’en-haut donnerait sur Montréal ou Ville-Marie en même temps, de concert.

Et ce qui faisait plus de peine, c’est qu’on savait que plusieurs nations sauvages des plus guerrières s’étaient mises de leur côté et avaient laissé la hache sur le François, à leur sollicitation, qu’on redoutait davantage que tous les Anglais à cause de leur cruauté. (C.f. Commentaire de Histoire-Du-Quebec.ca : Walker quitte Boston pour se diriger vers Québec le 30 juillet).

Vers la mi-septembre 1711, Monsieur de Vaudreuil fut averti par les découvreurs du côté de la mer que l’armée anglaise était à 80 lieues de Québec. Il envoya aussitôt ses ordres pour faire descendre les hommes de Ville-Marie à Québec et des autres côtés, pour défendre la capitale. On travaillait incessamment à se préparer au combat à Québec où devaient aborder les navires chargés de 15 mille hommes combattants, sans y comprendre quantité de familles et autres personnes pour s’établir dans le Canada, qui faisaient bon nombre. Jour et nuit, on était sur ses gardes en travaillant.

Dans ces attentes, il s’éleva un vent de nord-est fort impétueux qui fit arriver à Québec un gros navire de Roy, nommé «le Héros», qui avait passé au milieu de l’armée anglaise sans s’apercevoir l’un l’autre, qui était à l’Isle aux Œufs, et qui brisa en même temps plusieurs navires de nos ennemis contre les rochers, en sorte que plus de 4 mille hommes se noyèrent. On a trouvé leurs corps flottants sur le bordage de la mer à cet endroit.

 
 

Cet accident mit la terreur dans l’armée anglaise. Tous prirent le chemin de Boston d’où ils étaient sortis et perdirent le désir de prendre le Canada, disant que Dieu était contre eux. En y arrivant, deux de leurs plus grands vaisseaux brûlèrent au port sans qu’on les put sauver. Quelques uns de nos François, qui étaient là prisonniers, le virent et l’ont rapporté.»

(Commentaire de Histoire-Du-Quebec.ca : Le 18 août 1711, la flotte de Walker se trouvait à l’entrée du Saint-Laurent. Un vent violent se lève. Une épaisse brume descend. La flotte anglaise est entraînée du côté nord jusqu’à l’Ile-aux-Œufs. La nuit du 22 août, sept transports et un navire de ravitaillement s’échouent. Près de 900 personnes meurent noyées, et non 4 mille comme le dit sœur Marie Morin.

Après deux jours, Walker décide de retourner à Boston. Il perd encore quatre bateaux à la hauteur du Cap-Breton. À l’entrée de Portsmouth, le vaisseau amiral explose pour une cause inconnue avec plus de 400 hommes à son bord.)

Ces événements se passaient vers le milieu d’août. Mais la nouvelle du désastre ne parvint à Québec qu’au commencement d’octobre. Elle fut accueillie avec une immense joie. La population de Québec se porta en foule à l’église de la basse-ville « pour remercier Notre-Dame de la Victoire d’avoir délivré une seconde fois la colonie de la ruine. La verve des-écrivains se donna libre cours. « Le Parnasse devint accessible à tout le monde ; les dames même prirent la liberté d’y monter. »

« Le pays était donc enfin délivré par la puissante protection de Marie ! Les Canadiens ne furent pas moins reconnaissants en 1711 qu’en 1690 ; on célébra une fête solennelle où M. de la Colombière prêcha avec un nouveau zèle et un grand succès, sur la fidélité à laquelle obligeait ce bienfait signalé de la très sainte Vierge ; la verve des poètes s’épuisa à rimer des poésies et des chansons sur le désastre de cette flotte ennemie, quatre fois plus nombreuse que tout ce que la colonie avait à lui opposer ; mais la piété voulut quelque chose de plus durable, pour témoigner à la postérité de sa reconnaissance envers sa céleste Libératrice. « 

Un tableau peint en 1747 fut ajouté comme ex-voto dédié à la Vierge Marie pour avoir sauvé du naufrage le navire L’Aimable Marthe. Un second ex-voto est suspendu à la voûte de la nef. Il s’agit d’une réplique du Brézé, un navire ayant transporté une partie du régiment de Carignan-Salières envoyé en Nouvelle-France en 1665 afin de contrer la menace iroquoise. Accroché à l’origine au plafond de la basilique-cathédrale Notre-Dame de Québec, il fut lourdement endommagé lors de l’effondrement de la voûte incendiée en 1759. En 1955, après sa restauration, il a été relocalisé à l’église Notre-Dame-des-Victoires.

 

Sources :