Le premier pèlerinage au Canada

 
 

Jacques Cartier entreprend un deuxième voyage:

En 1535, le roi François Ier envoya de nouveau Jacques Cartier au Canada. Cette fois, le navigateur partit avec trois navires et 110 hommes. C’est afin de découvrir les fameuses mines d’or du royaume du Saguenay, ainsi que le non moins fameux passage vers l’Asie, que Cartier entreprit une nouvelle expédition vers les «Terres Neuves». Cette fois-ci, il ne manqua pas non plus d’amener avec lui deux prêtres missionnaires dans le but de commencer l’évangélisation des différents peuples autochtones. Jacques Cartier, en effet, avait été ému lors de son premier voyage par le manque de connaissance que ces peuples avaient du Christ. C’est le 29 mai 1535 que leur départ eut lieu. Trois navires appareillèrent de St-Malo, ce sont La grande HermineLa petite Hermine et L’Émerillon.

La Bonte Sainte Anne au secours de la flotte:

La traversée fut très orageuse ; le temps, comme il le raconte lui-même, s’était tourné ‘en colère et en tourmente’ ; sa petite flottille composée de trois vaisseaux fut dispersée et poussée au gré du vent ; chaque navire prit une direction contraire. « Deux mois plus tard Cartier jeta l’ancre au Blanc-Sablon. Mais que sont devenus ses compagnons? En vain son regard interroge le vaste océan. Viendront-ils jamais? Un Breton ne cesse jamais d’espérer qu’après avoir invoqué la Bonne sainte Anne, patronne des navigateurs. La prière commence fervente ; le prêtre qui toujours accompagne le marin dans ses expéditions la préside. Les jours se passent et aucune voile ne paraît encore à l’horizon. Enfin un point noir émerge dans le lointain de la mer, puis un bout de voile, puis un petit navire, puis un second […]. C’est le 26 juillet 1535, jour de la fête de la Bonne sainte Anne. La joie de tous les marins réunis éclate en actions de grâces envers leur miséricordieuse patronne ; ils célèbrent le plus saintement possible la première fête de sainte Anne au Canada » (c.f. La Bonne Sainte Anne, pages 10 et 11).

Premier pèlerinage au Canada:

Lors de son deuxième voyage pour le Canada, Jacques Cartier apporta dans ses bagages une image de la Madone de Rocamadour. L’hiver qu’il passa à Québec de novembre 1535 à Avril 1536 fut particulièrement pénible. Surpris par la rigueur de l’hiver, Jacques Cartier se trouve immobilisé dans les glaces du Saint-Laurent, à bord du bateau la Grande Hermine. Le scorbut sévit cruellement à bord, et 25 membres de l’équipage sont morts, 75 sont déjà atteints, 40 cas sont désespérés. Seule une dizaine de marins reste valides.

Jacques Cartier raconte dans son journal de bord: « Au mois de décembre, nous fûmes avertis que la mortalité s’était mise au peuple de Stadadaconé. Tellement que déjà en étaient morts, par leur confession, plus de cinquante; au moyen de quoi, leur fîmes défense de venir à notre fort, ni [parmi] nous. Mais nonobstant les avoir chassés, commença la maladie [parmi] nous, d’une merveilleuse sorte et la plus inconnue; car les uns perdaient la soutenue, et leurs jambes devenaient grosses en enflées, et les nerfs tirés et noircis comme du charbon, avec ça et là des gouttes de sang comme taches de pourpre. Puis la maladie montait aux hanches, cuisses et épaules, aux bras et au cou. À tous venait la bouche si infecte et pourrie par les gencives, que toute la chair en tombait, jusqu’à la racine des dents, lesquelles tombaient presque toutes. Et la maladie se prit tellement en nos trois navires, qu’à la mi-février, de cent dix hommes que nous étions, il n’y en avait pas dix valides, tellement que l’un ne pouvait secourir l’autre, qui était chose piteuse à voir, considéré le lieu où nous étions. Car les gens du pays venaient, tous les jours devant notre fort, qui voyaient peu de gens debout; et déjà il y en avait huit de morts, et plus de cinquante en qui on n’espérait plus de vie ».

Le capitaine, voyant la pitié et maladie ainsi émue, fit mettre le monde en prières et oraisons, et fit porter une image de la Vierge Marie contre un arbre, distant de notre fort d’un trait d’arc, à travers les neiges et la glace. Il ordonna que le dimanche suivant, l’on y dirait la messe (l’expédition possédait deux aumôniers, Dom Guillaume et Dom Anthoine), et que tous ceux qui pourraient marcher, tant sains que malades, iraient à la procession, chantant les psaumes de David, avec les litanies, en priant la Vierge qu’il lui plût de prier son cher Enfant qu’il eût pitié.

 

Et la messe dite et chantée devant ladite image, le capitaine se fit pèlerin à Notre-Dame qui se fait prier à Rocamadour (Pèlerinage fameux du Haut-Quercy, en promettant d’y aller si Dieu lui donnait grâce de retourner en France. Ce jour-là, trépasse Philippe Rougemont, natif d’Amboise, de l’âge d’environ 22 ans. » Cette épreuve atroce frappe les malheureux jusqu’à mi-mars, « durant lequel temps nous décéda jusqu’au nombre de de vingt-cinq personnes des principaux et bons compagnons que nous eûssions, lesquels mouraient de cette maladie. Pour l’heure, il y en avait plus de quarante en qui on n’espérait plus de vie; et en sus tous malades, que nul n’en était exempté, excepté trois ou quatre. Mais Dieu, par sa sainte grâce, nous regarda en pitié, et nous envoya la connaissance et remède de notre guérison et santé.

 
 

Peu de temps après, Domogaya, le fils du chef amérindien de Stadaconé (Québec), sort de la forêt pour voir de plus près les Français qui chantent. Jacques Cartier l’avait reconnu, puisqu’il l’avait vu affecté d’un mal semblable une semaine plus tôt. Il a recours à la ruse pour cacher la vulnérabilité de sa troupe. Prétextant la maladie de son serviteur, Cartier s’enquiert du remède utilisé par Domagaya. L’Amérindien lui indique un arbre dont les rameaux, pilés et mélangés à l’eau, permettent une guérison rapide. Il envoie deux femmes accompagner Jacques Cartier pour cueillir des feuilles et de l’écorce de l’arbre et pour lui indiquer comment les faire bouillir. En six jours, le savoir-faire amérindien guérit totalement les membres de l’équipage. Il s’agit de la tisane de cèdre blanc (l’anedda), ce qui permettra de guérir l’équipage. Jacques Cartier a lui-même reconnu « un véritable et évident miracle de Notre-Dame de Rocamadour ».

Jacques Cartier ramène au roi François 1er, à son château de Fontainebleau, des semences de cet arbre miraculeux. Sous le nom d’ « arbor vitae » ou d’arbre de vie, l’arbre connaîtra alors une diffusion fulgurante en Europe.

Un sanctuaire dédié à Notre-Dame-de-Rocamadour fut érigé à Québec dans l’église Saint-François d’Assise. L’église ferma ses portes en 2010, et le sanctuaire fut transféré à l’église Saint-Fidèle. Des artéfacts de la crypte de Notre-Dame-de-Rocamadour située sous le bâtiment ont aussi été déménagés. L’emplacement de la crypte est, selon des historiens, l’endroit où Jacques Cartier aurait prié pour survivre au scorbut, à l’hiver 1535.

 

Sources:

-BÉLANGER, Georges, La Bonne Sainte Anne au Canada et à Beaupré, pages 10 et 11