La croix du Mont Saint-Joseph

Acte de Rapatriement:

Au 19e siècle, des milliers de Canadiens français émigrent vers les États-Unis à cause du manque de travail. Pour contrer ce grand exode, le gouvernement de la province de Québec ouvrit de nouvelles terres à la colonisation. Le 23 février 1875, on sanctionna l’Acte de rapatriement, dans l’espérance de ramener ces pauvres gens au Canada. « Vers la fin de mai 1875, le canton de Chesham, était officiellement ouvert à un mouvement sérieux de la colonisation et des hommes compétents étaient chargés d’y marquer le site d’une église et partant l’emplacement d’un village. L’un de ces explorateurs se rendait auprès de Monseigneur Racine pour consulter ses vues. Le vénérable évêque de Sherbrooke donna ses avis et instructions, tout en manifestant son intention de mettre le nouvel établissement sous l’invocation de Marie Immaculée. Il insista sur la nécessité de prendre un terrain pouvu d’un bon approvisionnement d’eau » (c.f. Album-Souvenir).

Sous l’énergique impulsion de Jérôme-Adolphe Chicoyne, agent de la colonisation, les colons se mirent à affluer d’abord à La Patrie puis dans le canton de Chesham. « Après s’être dirigés un peu de tous côtés, les représentants de l’autorité s’arrêtèrent sur le flanc d’une colline en pente douce et garnie de beaux arbres. L’endroit paraissait sous maints rapports, répondre au but que l’on cherchait à atteindre. Restait la question de l’eau. Certaines plantes, qui se montraient ça et là, laissaient croire que la terre n’était pas privée d’humidité. Les explorateurs étaient à délibérer sur cette partie assez importante de leur étude, lorsque leur attention se porta sur ce qui parut être un monceau de débris caché sous une épaisse couche de mousse. Le déblayage permit de reconnaître la présence d’un rocher émergeant du sol, tandis qu’à sa base jaillissait une source au cours abondant et limpide. Cette dernière constatation mit le sceau au choix définitif de la colline, déjà remarquée » (c.f. Album-Souvenir). Quelques jours plus tard, on commença déjà à défricher et à construire.

Érection de la paroisse:

L’abbé Alfred Desnoyers, curé de Saint-Pie-de-Bagot et un des directeurs de la Société de colonisation de Bagot, vint sur les lieux, accompagnant Monsieur Chicoyne et son épouse. Le 17 juin 1875, se servant du rocher comme d’un autel, il célébra l’eucharistie en présence des premiers arrivants. Cet événement est considéré comme l’acte de fondation du village. De huit qu’ils étaient le 23 février 1875, les habitants passèrent à 636 en octobre 1876. Le 4 décembre 1878, Monseigneur Antoine Racine transforma la desserte en paroisse, sous le vocable de Notre-Dame-des-Bois de Chesman. 

Érection d’une croix:

L’abbé Corriveault était arrivé à Notre-Dame-des-Bois au début d’octobre 1879. Il devint vite l’ami de Jean-Baptiste Breault du rang 1, de lui il empruntait son cheval  »Carling » pour aller visiter les chantiers américains. À l’été 1880, il monta avec Jean-Baptiste Breault pour son plaisir, voir la montagne et la belle nature. Au cours de l’année, il constata les ravages faits par les tempêtes de vent et les ouragans aux bâtisses et aux récoltes. D’où lui vient l’idée d’aller planter une croix sur la montagne pour demander la protection du ciel contre les fléaux de la nature. Il mit à l’exécution son dessein au mois d’août 1881. Avec l’aide des colons ci-haut mentionnés, il abbatit plusieurs arbres, les équarrit, fit une croix de 15 ou 16 pieds et un carré de 12 x 12 pieds et 8 de haut sur lequel il voulait planter la croix recouverte de fer blanc. Il avait l’intention de placer la croix sur le carré pour qu’elle fut vue de loin. Il entoura alors quelques vieilles souches le pied de la croix et l’attacha au carré au moyen d’un jarret. Il redescendit avec ses compagnons, à la nuit tombante (c.f. Album-Souvenir). Selon certains témoignages, suite à ce geste de foi, les vents violents cessèrent, et ainsi, les récoltes et les bâtiments jouirent d’une protection spéciale du Ciel. 

 
 

Construction de la première chapelle sur la montagne:

« On fut 2 ans sans monter sur la montagne, mais la croix protégeait visiblement les granges et les récoltes des premiers colons contre la furie des vents. Pendant ce temps, l’abbé Corriveault mijotait l’idée de construire une chapelle en l’honneur de Saint Joseph et de s’en faire une maison de repos. En 1883, il monta donc la montagne avec Jean-Baptiste Breault et ses fils et plusieurs colons du rang 1, leur parlant en cours de chemin de la construction d’une chapelle en l’honneur de Saint Joseph. À leur arrivée sur la montagne, quelle ne fut pas leur surprise de voir la croix debout, le fer blanc rouillé et le jarret pourri. Ils s’approchèrent alors de la croix qui tomba à leurs pieds comme par miracle (sans qu’ils ne la touchent). Très ému, l’abbé Corriveault s’écria: « C’est un signe du ciel. Ce ne sera plus une croix, mais une chapelle en l’honneur de Saint Joseph que nous érigerons ici. » Ils se mirent à l’oeuvre immédiatement, se servant du carré déjà existant, comme charpente de la chapelle, en y ajoutant une annexe pour l’autel, en y plaçant la croix dans la fente du rocher où se trouve actuellement la 14e station du chemin de croix. Le dimanche après-midi, on faisait des corvées pour monter les matériaux. À force de bras, on montait des madriers, des planches, des clous et les outils nécessaires à la construction, par un chemin très abrupt et difficile. À la fin d’août, la chapelle était terminée et on y célébra la première messe » (c.f. Album-Souvenir).  

Guérisons obtenues: 

Un jour, un enfant du nom de Réal Breault, fils de Rosaire Breault de Saint-Léon, souffrit d’une hernie double. Avec le soutien de ses parents, il entreprit de faire une neuvaine à Saint Joseph, ainsi qu’un pèlerinage jusqu’à la chapelle sur la montagne. En commençant la neuvaine, ses parents lui dirent: « Réal, si tu pries avec foi saint Joseph, il te guérira. L’enfant demanda :  »Il fera disparaître mes  »bosses » là qui font tant mal »? Ils lui répondirent :  » C’est certain, si tu lui demandes comme il faut. » Alors l’enfant pria avec confiance saint Joseph et gravit avec son père le Mont Saint-Joseph pour assister à la sainte messe, le jour du pèlerinage annuel d’août. 

Avant de quitter ce lieu de pèlerinage, son père l’amena à la chapelle pour faire une dernière prière – ils n’étaient que tous les deux dans la chapelle – c’est alors que l’enfant se leva, ôta sa ceinture et la montra à saint Joseph en lui disant :  »Tiens, saint Joseph, tu m’as guéri, je n’en ai plus besoin. » Il jeta la ceinture dans un coin près de l’autel et sortit guéri ».

Une autre guérison extraordinaire nous est rapportée par l’abbé L. Bessette, prêtre-gardien du sanctuaire.  »En août 1956, un homme des États-Unis vint faire un pèlerinage à Saint Joseph. Il me conta le fait suivant:  »Quand j’étais jeune, demeurant à Notre-Dame-des-Bois, je fus frappé par la paralysie infantile. Un bon jour, mon père et quelques-uns de ses amis décidèrent de m’amener prier Saint Joseph sur sa montagne. Ils durent gravir le sentier, me portant sur leur dos chacun leur tour. Peu de temps après ce pèlerinage, je fus complètement guéri. Tel que je l’avais promis à Saint Joseph, si j’obtenais ma guérison, je viens le remercier ici, au Mont Saint-Joseph, aussi souvent que la chose m’est possible » (c.f. Album-Souvenir).

 

 

Sources :

Chartier (abbé Édouard): Colonie du rapatriement – Le canton de Chesham (Revue canadienne, avril 1915).

Notre-Dame-des-Bois, Programme-Souvenir, 1877-1952, pages 11-19 ; page 62

Gilles Leblanc, Pèlerinages et lieux de prière au Québec,

Album-Souvenir du 75 anniversaire de l’établissement d’un lieu de pèlerinage à Notre-Dame-des-Bois – 15 août 1883.