La mort héroïque de Jean Cadieux

 
 

Jean Cadieux est né à Montréal le 12 mars 1671. Il était un coureur des bois. Il deviendra un personnage héroïque en Outaouais, au Québec. L’histoire se déroule à  la pointe sud de l’île du Grand-Calumet, Cadieux fait le guet à la tête du long sentier de portage qui permet de contourner le « Saut des sept chutes ». Tout à coup, il voit poindre à l’horizon une flottille de canots dont il attend impatiemment la venue depuis plus d’une semaine. Il pousse alors avec force le cri de la chouette pour en avertir certains de ses compagnons qui attendent, plus loin, près du Petit Rocher, au pied du portage. Ces derniers accourent et se joignent à lui pour fêter l’arrivée de ces canots, pleins à rebord de ballots de fourrures. Mais subitement, leur joie fait place à l’horreur! Des canots iroquois pourchassent leurs amis les Outaouais et risquent de les rattraper! Ils n’auront pas le temps de décharger les canots et de parcourir le portage d’une demi-lieue avant d’être rejoints par leurs cruels ennemis. À peine touchent-ils à la rive que Cadieux les encourage à continuer et à risquer le tout pour le tout en sautant les sept chutes. C’est ce qu’ils font, préférant confier leur vie aux torrents de la rivière et à la Providence pour échapper à l’implacable cruauté des Iroquois. Cadieux reste sur place avec un jeune Outaouais dont l’amitié et la bravoure vont lui permettre de bloquer pour un temps l’avance des canots ennemis. Les deux se séparent et font feu sur les canots iroquois à partir de plusieurs points du rivage, donnant l’impression qu’ils sont très nombreux. Ils tuent et blessent trois de leurs occupants. De son côté, le chef iroquois donne l’ordre de débarquer sur l’île afin d’encercler et de massacrer ceux qui s’y trouvent encore. Les maraudeurs iroquois traversent l’île de part en part à la recherche de ceux qui osent s’en prendre aux guerriers des « Cinq grandes nations ». Leur chasse n’a que peu de succès. Ils doivent se contenter d’une seule prise. Le jeune Outaouais, grièvement blessé, est mis à mort et son scalp est emporté par le guerrier qui l’a achevé. Cadieux, blessé, se cache dans les fourrés jusqu’au départ des Iroquois.

Entre-temps, les canots des Outaouais et leurs cargaisons terminent sans heurt leur périlleuse descente des sept chutes, des rapides des Dargis et de ceux de la Montagne. Arrivés à Montréal, les voyageurs et les Outaouais qui ont vécu cette expérience traumatisante racontent à tous ceux qu’ils rencontrent qu’ils doivent leur salut à la « Belle Dame Blanche ». Cette dernière, disent-ils, était postée à la pointe du canot de tête et guidait la flottille en faisant voler les canots au-dessus des pointes de rocher acérées. En temps normal, l’enveloppe d’écorce de leurs frêles embarcations aurait été déchirée. Certains d’entre eux disaient que c’était la Sainte Vierge, d’autres penchaient pour la « Bonne Sainte Anne », la mère de Marie.

Dans les jours qui suivent, les amis de Cadieux, inquiets de son sort et de celui de son jeune ami, remontent jusqu’à l’île afin de leur venir en aide. Ils finissent par découvrir une croix « plantée à la tête d’une fosse à peine creusée dans le sol… [où]… gisait le corps encore chaud de Cadieux ». Il venait de rendre l’âme et, dans ses mains « jointes sur sa poitrine », reposait « un large feuillet d’écorce de bouleau couvert d’écritures ». Il y racontait ses derniers moments et son désespoir. Poète dans l’âme, il y avait gravé les premiers mots d’une complainte à la manière des voyageurs des Pays-d’en-Haut. Ses amis s’en inspireront pour composer la complainte qui l’immortalise. Jean Cadieux est décédé à l’île du Grand-Calumet au mois de mai 1709. Sa fin tragique est devenue légendaire grâce à la puissance du message qu’il a laissé à ses proches.

Le morceau d’écorce de bouleau sur lequel sont inscrites les dernières pensées du héros donne naissance à la Complainte de Cadieux chantée et popularisée par les coureurs des bois et les voyageurs. Ces derniers s’agenouillent religieusement en passant près de sa tombe et y érigent, de génération en génération, des croix de remplacement pour marquer l’endroit sacralisé. Puis, ils rapportent dans leur sac, comme une relique, un éclat du bois de l’arbre ou de la croix de Cadieux en souvenir de leur passage au « rocher de la haute montagne ». Cette tradition est reprise et amplifiée par les écrivains canadiens-français et canadiens-anglais depuis le milieu du dix-neuvième siècle.

 

Sources:

A10