La Bienheureuse Marie-Anne Blondin

 
 

Esther Blondin est née le 18 avril 1809 à Terrebonne, au Québec (autrefois le Bas-Canada), dans une famille d’agriculteurs, pauvre, mais profondément chrétienne et généreuse à l’égard des plus démunis. Les parents, qui étaient tous deux illettrés, eurent 12 enfants. La maman avait un caractère particulièrement gai et convivial, qu’elle légua à sa fille Esther. Elle avait une grande confiance en la Providence, qui la soutenait au milieu des épreuves de la vie, et un amour marqué pour l’Eucharistie. Cela aussi on le retrouvera chez sa fille. Esther travaille d’abord comme domestique d’un marchand, puis chez les Sœurs de la congrégation de Notre-Dame afin d’aider s famille. En s’engageant chez les religieuses, une clause du contrat spécifie qu’une de celles-ci devra lui apprendre à lire. Elle entre dans cette congrégation en 1832 comme postulante, puis entre au noviciat à Montréal. Son état de santé ne lui permet pas de continuer sa formation et elle revient dans sa famille. Elle avait pris au noviciat le nom de Christine qu’elle garde une fois revenue dans sa famille.

Rétablie, elle commence à enseigner à Vaudreuil en 1833, et devient directrice de l’école paroissiale en raison de sa compétence. Les villageois appellent même l’école paroissiale l’ « Académie Blondin ». Le nombre d’enfants scolarisés augmente. Cependant, elle est très frappée par l’ignorance des enfants de la campagne. Elle ne cesse de dire : « Il y a là un vide à combler et je me sens appelée à ce genre d’apostolat. » Encouragée par son curé, monsieur l’abbé Archambault, et autorisée par l’archevêque de Montréal, Monseigneur Ignace Bourget, elle crée, en 1848, une communauté religieuse nouvelle dédiée à l’enseignement. L’archevêque, qui l’a d’abord éprouvée, lui dit : « Essayez, voyez… ne cessez de prier. » Elle prononce en 1850 ses vœux religieux avec quatre compagnes. Elle a choisi le nom de mère Marie-Anne. Dès 1853, la congrégation a déjà 34 membres et déménage à Saint-Jacques de L’Achigan. La maison mère se fixe à Lachine en 1834. Les débuts de la congrégation sont extrêmement pauvres. Sœur Marie-Michel déclare : « Nous étions heureuses malgré notre grande pauvreté et les privations de tout genre, tant pour le local que pour la nourriture, nous étions pauvres et nous vivions en pauvres […] Notre nourriture était celle des pauvres, et, des fois, nous n’avions pas assez pour apaiser notre faim. » Leur curé dit : « Il est certain qu’il n’y a aucune communauté à Montréal qui ait à souffrir sous tous les rapports comme les sœurs de Sainte-Anne. »

Un jour, alors que Mère Marie-Anne était sur son bureau, elle entendit ce qu’elle interpréta comme étant la voix du diable lui dire qu’il détruira sa communauté. Après avoir entendu cela, notre bonne mère convoqua ses filles pour leur raconter ce qu’elle entendit, et pour les réconforter en leur rappelant que la croix est la voie qui nous mène vers le Christ.

Peu de temps après, l’évêque de Montréal nomma un nouveau chapelain pour la communauté. Il s’agissait de l’abbé Louis-Adolphe Maréchal. Le chapelain de la congrégation naissante s’immiscera dans le gouvernement de la communauté dès son arrivée en 1853, avec un zèle intempestif et indiscret. La fondatrice s’y opposa et, en 1854, Monseigneur Bourget sacrifia mère Marie-Anne et la déposa de sa charge : elle n’a gouverné sa communauté que quatre ans ! Elle accepta avec une grande humilité, mais, comme il est compréhensible, elle en tomba malade et manqua d’en mourir. L’abbé Maréchal aurait même voulu qu’elle soit exclue de la congrégation. Sa déposition en tant que mère supérieure provoqua une crise dans la jeune communauté qui durera jusqu’à la mort de la fondatrice.

À partir de ce moment, on ne lui confie plus que des charges secondaires. Elle reste fidèle à sa communauté, vit très pauvrement, reste une mère pour ses filles et catéchise les enfants. Quand elle meurt en 1890, la congrégation compte déjà 42 maisons et plusieurs centaines de religieuses. Elle avait pardonné profondément à ceux qui l’avaient écartée.

Paradoxalement, mère Marie-Anne a vécu une spiritualité de l’espérance et de la joie. Elle écrivait dans ses Notes spirituelles : « Pénétrée des sentiments de la plus vive reconnaissance envers mon Dieu, pour tous les bienfaits que j’ai reçus de son infinie bonté, je lui en témoignerai tous les jours de ma vie la plus sincère gratitude, en lui adressant avec l’Église, ma bonne Mère, ces paroles si pleines d’onction et qui laissent dans l’â me de ceux qui les prononcent avec piété un si doux sentiment : Deo gratias, Deo gratias, Deo gratias et toujours Deo gratias. Oh ! Que ces paroles sont délicieuses et qu’elles ne cessent d’être dans ma bouche, et le sentiment dans mon cœur. Deo gratias. Amen. »

Son amour des autres se manifestait également pour ses sœurs. Un médecin appelé un jour au chevet d’une religieuse disait : « Je n’aurais jamais pu le croire, si je ne l’avais vu de mes yeux, qu’on pût tant s’aimer dans les communautés religieuses. Il n’y a pas de mère dans le monde qui aime plus ses enfants que mère Marie-Anne aime ses sœurs. »

La longue épreuve qu’elle connut l’a unie à la croix glorieuse du Christ et la fit entrer dans une perspective pascale, mais toujours dans le sens de la Vie. Son long silence ne l’a pas renfermée dans l’amertume, il a été, au contraire, une source d’amour et de vie.

À l’automne 1889, son état de santé se détériore dangereusement. Peu après la fête de Noël, elle est diagnostiquée d’une bronchite sévère. Quelques heures avant son décès, elle demanda qu’on appelle l’abbé Maréchal, dans le but de se réconcilier avec l’artisan de sa disgrâce. Louis-Adolphe Maréchal sera profondément touché par ce geste d’amour, ce qui le mènera à changer complètement son attitude vis-à-vis de la fondatrice. C’est lui qui présidera ses très modestes funérailles quelques jours plus tard. Elle fut béatifiée le 29 avril 2001, par le Pape Jean-Paul II. En juillet 2021, les reliques de la Bienheureuses furent transférées dans la cathédrale de Saint-Jérôme par Monseigneur Raymond Poisson.

 
 

 

Sources:

PEYROUS Bernard et POMPIGNOLI Marie-Ange, La sainteté Canadienne, édition Novalis, chapitre IV, pages 230-233