Le tremblement de terre de 1663
Les colons français font le commerce d’alcool avec les autochtones:
À partir de l’an 1658, les colons français commencèrent à vendre de l’alcool en grandes quantités aux peuples autochtones. Ce qui provoqua la colère chez les missionnaires Jésuites, puisque ces peuples, digérant mal l’alcool, en devenaient très immoraux et violents. Afin d’arrêter ces abus, les Jésuites eurent recours à Rome, en demandant qu’un évêque soit envoyé au Canada. Rome répondit à cet appel en envoyant Saint François de Laval en l’an 1659.
Le 5 mai 1660, François de Laval, évêque de Pétrée et vicaire apostolique en Nouvelle-France, lance un mandement menaçant d’excommunication toute personne qui donnera ou vendra de la boisson alcoolisée aux autochtones. Malheureusement, les autorités civiles n’écoutèrent point l’évêque. Voyant que son autorité n’avait peu ou pas de poids, Monseigneur de Laval repartit pour la France en 1662, espérant obtenir du roi plus de pouvoir civil. Pendant ce temps, Dieu donnera des prémonitions quant à un terrible châtiment qui s’abattra sur la Nouvelle-France.
Prémonitions divines :
La bienheureuse Catherine de Saint-Augustin raconte : « J’eus pour lors un pressentiment assez considérable et comme une assurance infaillible, que Dieu était prêt de punir le pays pour les péchés qui s’y commettaient, surtout pour le mépris qu’on faisait de l’Église. Il me semble pour lors que Dieu était beaucoup irrité. Je ne pus m’empêcher de souhaiter ce châtiment quel qu’il fut ; car je n’eus pour lors aucune idée de ce que ce pourrait être. Le soir, au même instant qu’un tremblement de terre commença, je vis en esprit quatre démons, qui occupaient les quatre côtés des terres voisines, et les secouaient fortement, comme voulant tout renverser ; et sans doute ils l’auraient fait si une puissance supérieure, qui donnait comme le branle à tout, n’eût mis obstacle à leur volonté. Ensuite, les démons me dirent qu’ils feraient leur possible pour continuer ce renversement qu’il y avait bien de monde effrayé et que la peur les faisait recourir à Dieu et penser à leur conscience ; mais qu’ils feraient bien en sorte que cela ne leur servirait de guerre. »
Le jésuite Pierre-François-Xavier de Charlevoix, dans son Histoire et description générale de la Nouvelle-France, fait état d’un autre cas de prémonition. « Le troisième jour du même mois (le 3 février 1663), une Algonquine, fervente chrétienne, étant la nuit dans sa cabane, éveillée et assise sur son lit, crut entendre une voix, qui disait que, dans deux jours, il arriverait des choses inouïes et, le lendemain, comme étant dans la forêt avec sa sœur, faisant sa provision de bois, elle entendit encore très distinctement la même voix qui lui disait que le jour suivant entre cinq et six heures du soir la terre tremblerait d’une manière terrible. Sa sœur n’entendit point la voix et ne s’aperçut de rien. ». Sainte Marie de l’Incarnation rapporte le même fait, lorsqu’elle raconte : « Le 3 février, une femme sauvage, excellente chrétienne, étant éveillée dans sa cabane, tandis que tous les autres dormaient, entendit une voix distincte et articulée qui lui dit : « Dans deux jours, il doit arriver des choses bien étonnantes et merveilleuses ». « Une femme algonquine fit devant deux jésuites une déposition confirmée par son père et sa mère : “La nuit du 4 au 5 février, étant éveillée et en plein jugement, j’ai entendu une voix distincte qui m’a dit : ‘Il doit arriver aujourd’hui des choses étranges : la terre doit trembler. Sur les 9 ou 10 heures le 5 février au matin, la même voix fit entendre les mêmes paroles à la même personne qui était allée au bois pour bûcher. »
Le Père Jérôme Lalemant, supérieur des missions jésuites du Canada, rapporte quelques faits prémonitoires : « Le Ciel et la Terre nous ont parlé bien des fois depuis un an. C’était un langage aimable et inconnu, qui nous jetait en même temps dans la crainte et dans l’admiration, Le Ciel a commencé par de beaux phénomènes, la Terre a suivi par de furieux soulèvements, qui nous ont bien fait paraître que ces voix de l’air, muettes et brillantes, n’étaient pas pourtant des paroles en l’air, puisqu’elles nous présageaient les convulsions qui nous devaient faire trembler, en faisant trembler la Terre. Nous avons vu dès l’Automne dernier des serpents embrasés, qui s’enlaçaient les uns dans les autres en forme de Caducée, et volaient par le milieu des airs, portés sur des ailes de feu. Nous avons vu sur Québec un grand globe de flammes, qui faisait un assez beau jour pendant la nuit, si les étincelles qu’il dardait de toutes parts, n’eussent mêlé de frayeur le plaisir qu’on prenait à le voir. Ce même météore a paru sur Montréal ; mais il semblait en l’Année 1663, sortir du sein de la Lune, avec un bruit qui égale celui des canons ou des tonnerres, et s’étant promené trois lieues en l’air, fut se perdre enfin derrière la grosse montagne dont cette île porte le nom ».
Le Père Jérôme Lalemant continue : « Mais ce qui nous a semblé plus extraordinaire, est l’apparition de trois Soleils. Ce fut un beau jour de l’hiver dernier, que sur les huit heures du matin, vue légère vapeur presque imperceptible s’éleva de notre grand fleuve, et étant frappée par les premiers rayons du soleil, devenait transparente, de telle sorte néanmoins qu’elle avait assez de corps pour soutenir les deux images que cet astre peignait dessus ; ces trois soleils étaient presque en ligne droite, éloignés de quelques toises les uns des autres, selon l’apparence, le vrai tenant le milieu, et ayant les deux autres à ses deux côtés. Tous trois étaient couronnés d’un arc-en-ciel, dont les couleurs n’étaient pas bien arrêtées, tantôt paraissant comme celles de l’iris, puis après d’un blanc lumineux, comme si au-dessous tout proche, il y eut eu une lumière excessivement forte. Ce spectacle dura près de deux heures la première fois qu’il parut, c’était le septième de janvier 1663 ; et la seconde fois, qui fut le 14 du même mois, il ne dura pas si longtemps, mais seulement jusqu’à ce que les couleurs de l’iris venant à se perdre petit à petit, les deux soleils des côtés s’éclipsaient aussi, laissant celui du milieu comme victorieux. Nous pouvons mettre en ce lieu l’éclipse de soleil arrivée à Québec, le premier jour de Septembre 1663, qui dans l’observation qui en a été faite fort exactement, s’étant trouvée d’onze doigts entiers, rendait nos forêts pâles, sombres et mélancoliques. Son commencement a été à une heure vingt-quatre minutes, quarante-deux secondes d’après-midi ; et sa fin à trois heures cinquante-et-deux minutes, quarante-quatre secondes ».
Antérieurement aux phénomènes solaires, au cours de l’automne, des serpents embrasés étaient apparus, qui s’enlaçaient les uns dans les autres, en forme de caducées, et volaient dans les airs, portés par des ailes de feu. L’on a vu sur Québec un grand globe de flammes qui faisait un assez beau jour pendant la nuit, que l’on aurait eu plaisir à admirer si les étincelles qu’il dardait de toutes parts n’eussent éveillé la frayeur. Ce même météore a aussi paru sur Montréal; mais à cet endroit, il semblait sortir du sein de la lune, avec un bruit qui égalait des canons ou des tonnerres, et s’étant promené trois lieues en l’air, fut se perdre derrière le Mont-Royal.
Les faits :
« Le tremblement de terre, qui commença le lundi au soir, dit la sœur Bourgeoys, redoubla neuf fois en neuf heures, non pas également, ni pour la force ni la durée. Le premier coup fut si fort, que notre clocher de la porte sonnait avec la plus grande vitesse que l’on puisse sonner. »
« ‘Le 6 février, à 4 heures du matin, eut lieu un autre tremblement de terre très violent, dit la sœur Morin, de l’Hôtel-Dieu de Montréal. Il nous balança dans nos lits bien plus rudement que ne l’avaient fait nos mères dans notre enfance. »
Sainte Marie de l’Incarnation raconte : « Le 3 février 1663, le temps était fort calme et serein, et la vision n’était pas encore passée, que l’on entendit de loin un bruit et bourdonnement épouvantable, comme si un grand nombre de caresses roulaient sur des pavés avec vitesse et impétuosité. Ce bruit n’eut pas plus tôt réveillé l’attention que l’on entendit sous terre et sur la terre et de tous côtés, comme une confusion de flots et de vagues qui donnaient de l’horreur. L’on entendait de toutes parts comme une grêle de pierres sur les toits, dans les greniers et dans les chambres. Il semblait que les marbres dont le fond de ce pays est presque tout composé, et dont nos maisons sont bâties, allaient s’ouvrir et se mettre en pièces pour nous engloutir. Une poussière épaisse volait de tous côtés. Les portes s’ouvraient d’elles-mêmes, d’autres qui étaient ouvertes se fermaient. Les cloches de toutes nos églises et les timbres de nos horloges sonnaient toutes seules, et les clochers aussi bien que nos maisons étaient agités comme des arbres quand il fait vent ; et tout cela dans une horrible confusion de meubles qui se renversaient, de pierres qui tombaient, de planchers qui se séparaient, de murs qui se fendaient. Parmi tout cela l’on entendait les animaux domestiques qui hurlaient. Les uns sortaient des maisons, les autres y rentraient. En un mot, l’on était si effrayé, que l’on s’estimait à la veille du jugement, puisque l’on en voyait les signes. »
Le père Jérôme Lalemant, dans les Relations des Jésuites de 1663, a lui aussi livré un portrait assez réaliste de la situation : « Ce fut le cinquième jour de février 1663, sur les cinq heures et demie du soir, qu’un grand bruissement s’entendit en même temps dans toute l’étendue du Canada. Ce bruit qui paraissait comme si le feu eût été dans les maisons, en fit sortir tout le monde, pour fuir un incendie si inopiné; mais au lieu de voir la fumée et la flamme, on fut bien surpris de voir les murailles se balancer, et toutes les pierres se remuer, comme si elles se fussent détachées; les toits semblaient se courber en bas d’un côté, puis se renverser de l’autre ; les cloches sonnaient d’elles-mêmes ; les poutres, les soliveaux et les planchers craquaient ; la terre bondissait, faisant danser les pieux des palissades d’une façon qui ne paraissait pas croyable, si nous ne l’eussions vue en divers endroits. »
On raconte aussi que tout le monde sortit, les animaux s’enfuient, les enfants pleurent, les adultes saisis de frayeur ne savent où se réfugier, se demandant s’ils ne seraient pas engloutis sous les ruines de leurs demeures, ou avalés par quelque précipice creusé sous leurs pieds. Les uns, prosternés à genoux dans la neige, demandent miséricorde; d’autres passent le reste de la nuit en prière. Les montagnes, de même, étaient déchaînées. Les unes se déracinaient pour se jeter sur les autres, faisant place à des abîmes à l’endroit où elles étaient. (Certains spécialistes disent que le Parc National du Bic s’est possiblement formé suite à ce tremblement de terre).
Père Lalemant: « Pendant ce débris général qui se faisait sur terre, des glaces épaisses de cinq et six pieds se fracassaient, sautant en morceaux et s’ouvrant en divers endroits d’où s’évaporaient ou de grosses fumées ou des jets de boue et de sable qui montaient fort haut dans l’air ; nos fontaines ou ne coulaient plus ou n’avaient plus que des eaux ensoufrées ; les rivières ou se sont perdues ou ont été toutes corrompues, les eaux devenant jaunes, les autres rouges ; et notre grand fleuve de Saint-Laurent parut tout blanchâtre jusque vers Tadoussac, prodige bien étonnant et capable de surprendre ceux qui savent la quantité d’eau que ce gros fleuve roule au-dessous de l’Isle d’Orléans, et ce qu’il fallait de matière pour les blanchir ».
Le Père Jérôme Lalemant raconte: « L’air n’était pas exempt de ses altérations ; car, outre le bruissement qui précédait et accompagnait le tremblement de terre, l’on a vu des spectres et des fantômes de feu portant des flambeaux en main. L’on a vu des piques et des lances de feu voltiger et des brandons allumés se glisser sur nos maisons, sans néanmoins faire autre mal que de jeter la frayeur partout où ils paraissaient; on entendait même comme des voix plaintives et languissantes se lamenter pendant le silence de la nuit. Et, ce qui est bien rare, des marsouins blancs jeter de hauts cris devant le bourg de Trois-Rivières, faisant retentir l’air de meuglements pitoyables ».
Le Père Lalemant raconte: « Un tremblement de terre de plus de deux cents lieues de longueur et de cent en largeur a fait trembler tout ce pas, où l’on a vu des changements prodigieux: des montagnes abîmées, des forêts changées en de grands lacs, des rivières qui ont disparu, des rochers qui se sont fendus et dont les débris étaient poussés jusqu’au sommet des plus hauts arbres; des tonnerres qui grondaient sous nos pieds, dans le ventre de la terre qui vomissait des flammes; des voix lugubres qui s’entendaient avec horreur; des baleines blanches et des marsouins qui hurlaient dans les eaux; enfin tous les éléments semblaient être armés contre nous, et nous menaçaient d’un dernier malheur. Mais la protection de Dieu a été si douce sur nous, que pas un n’y a perdu la vie ni même les biens de la terre; et la plupart en ont tiré tant de profit pour leur salut, Sauvages et Français, fidèles et infidèles, que nous avons sujet d’en bénir Dieu, et d’avouer que ses miséricordes ont été tout aimables ». Un seul prêtre entendit plus de 300 confessions générales dans le courant de six mois.
Le tremblement de terre en Nouvelle-Angleterre:
Le grand tremblement de terre de 1663 en Nouvelle-Angleterre a effrayé les colons de Québec à New York, mais les ministres puritains et les prêtres jésuites ont vu le bon côté des choses. Les gens affluent à l’église dans les jours qui suivent.
Personne ne doutait que les secousses venaient de Dieu. Il était clair qu’Il essayait de dire quelque chose aux pécheurs. Les opinions variaient quant à savoir ce qu’il voulait dire exactement.
Le grand tremblement de terre de la Nouvelle-Angleterre de 1663, aussi connu sous le nom de tremblement de Charlevoix, a commencé le long du fleuve Saint-Laurent, entre les embouchures des rivières Malbaie et Ouelle. Les géologues estiment qu’il a mesuré de 7,3 à 7,9 sur l’échelle de Richter. Il a fait le plus de dégâts au Canada, mais à Boston et Portland, il a renversé des cheminées, jeté de l’étain sur les étagères, secoué des maisons et envoyé des hommes et des femmes effrayés dans les rues.
Le lundi soir du 26 janvier 1663, les habitants de la Nouvelle-Angleterre, assis dans leurs maisons, entendirent soudain un grondement particulier. Il devint de plus en plus fort, et les maisons tremblaient et se balançaient. « Les tenons de la charpente entraient et sortaient de leurs mortaises », écrivit l’historien Sidney Perley. Les personnes qui se tenaient debout lorsque les secousses ont commencé ont dû s’asseoir ou tomber, a-t-il écrit.
Selon un récit contemporain au Canada, les cieux étaient sereins vers 18 heures le 26 janvier 1663, lorsqu’un rugissement soudain a éclaté « comme celui d’un grand feu ».
« Immédiatement, les bâtiments furent ébranlés avec une violence étonnante. Les portes s’ouvrent et se ferment d’elles-mêmes, avec un fracas effrayant. Les cloches ont sonné sans qu’on les touche. Les murs se sont effondrés (en Nouvelle-Angleterre). Les planchers se sont séparés, et sont tombés. Les champs ont pris l’aspect de précipices, et les montagnes ont semblé se déplacer : et au milieu du fracas universel qui s’est produit, la plupart des animaux ont poussé des cris et des hurlements effrayants ».
Boston a subi le plus de dommages, suivie par les communautés côtières de la baie du Massachusetts.
Sources:
Les relations des Jésuites, tome V, année 1663. Édition du Jour, Montréal, 1972, pp. 1-8