Père Eugène Prévost

 
 

Naissance et jeunesse:

Eugène Prévost est né à Saint-Jérôme, au Québec, le 24 août 1860. Son père est médecin, sa mère, Edwige, a une forte personnalité ; extrêmement attachée à l’Eucharistie, elle communie tous les jours, ce qui est très rare à l’époque. Elle oriente son fils vers cette spiritualité ; il devient très tôt servant de messe. C’est cependant un enfant très vivant, et même un peu agité. En septembre 1877, au collège, il reçoit une grâce particulière de Dieu qui l’amène à une sorte de conversion : à partir de ce moment, il a le désir de devenir un saint. Peu à peu, il se sent attiré vers le sacerdoce. Il entre, en 1879, au séminaire des Sulpiciens à Montréal, mais son attirance pour l’Eucharistie l’amène à postuler finalement, en 1880, dans la congrégation du Très-Saint-Sacrement (dite congrégation des Pères du Saint-Sacrement), fondée par saint Pierre-Julien Eymard à Paris en 1856.

Départ pour l’Europe:

Eugène fait ses études religieuses à Bruxelles. La congrégation a le projet de s’implanter au Canada et il joue le rôle d’intermédiare dans cette affaire. Il commence déjà à montrer des projets d’apostolat qui comportent un volet commercial. La congrégation l’envoie terminer ses études à Rome à l’université grégorienne. Lors de la retraite préparatoire à son ordination, en 1887, il fait une expérience spirituelle intense qui le marquera pour la vie. La congrégation des Pères du Saint-Sacrement est une petite communauté d’une soixantaine de membres, qui a du mal à retrouver son équilibre à la suite de la mort de son fondateur en 1868. Elle a une situation financière difficile et certains de ses membres voudraient faire évoluer son charisme vers la règle bénédictine. Aucun membre de la communauté n’est capable de la diriger dans de bonnes conditions. Dans cette ambiance délicate, Eugène Prévost est nommé à Paris directeur de l’Oeuvre des prêtres adorateurs. Cette association, animée par les Pères du Saint-Esprit, a pour but de regrouper des prêtres attachés à l’adoration eucharistique. Il s’en occupe avec beaucoup de zèle et manifeste une grande capacité d’organisation. Il est très estimé de ses supérieurs : « On le compte parmi les meilleurs d’entre nous », dit le père Tesnière, supérieur général. L’Oeuvre des prêtres adorateurs passe de 6000 membres, en 1887, à 20 000, en 1891. Le père Prévost brasse de grosses sommes ; leur emploi crée des tensions avec son supérieur général. Il a le projet de fonder un tiers ordre des Pères du Saint-Sacrement, ouvert à des femmes, comme saint Pierre-julien Eymard l’avait souhaité, mais les responsables de la congrégation ne souhaitent pas réaliser dans l’immédiat ce projet ; il n’abandonne pas son idée pour autant. Il commence à exercer une grande influence épistolaire sur sa soeur Léonie, dite Ninette, qui a alors seize ans, et à qui il conseille d’entrer dans la vie religieuse. Il pense à elle pour animer ce groupe de tertiaires. 

En 1893, les Pères du Saint-Sacrement doivent élire un nouveau supérieur général. Le père Prévost pourrait être élu. Il rédige un mémoire contre la réélection du supérieur général actuel, mémoire qui laissera des traces. Le père Prévost n’est pas choisi, mais il est renommé responsable des oeuvres, et l’Oeuvre des prêtres adorateurs passe à près de 50 000 associés en 1897. Sa soeur Ninette arrive à Paris en 1895. Il l’appelle ‘la soeur de son âme de prêtre », et compte sur elle pour créer ce tiers ordre auquel il pense toujours.

Projet de nouvelle fondation:

Peu à peu, le père Prévost se persuade qu’il doit fonder une communauté d’hommes et une congrégation de femmes, et qu’il devra donc quitter les Pères du Saint-Sacrement. Séjournant à Sarcelles, près de Paris, il vit une expérience spirituelle qui le conforte dans son idée. Il quitte effectivement sa congrégation. Il revient à Montréal en 1899, où il est accueilli commme prêtre séculier par l’archevêque Monseigneur Bruchési.

À l’âge de quarante ans, il commence donc une nouvelle vie sacerdotale. Il retourne à Paris, avec sa soeur, et active l’important réseau de relations qu’il s’était constitué auparavant, afin de fonder une fraternité sacerdotale de prêtres adorateurs qui s’occuperaient en même temps de prêtres en difficulté et de prêtres malades ou âgés. Une communauté féminine, les Oblates de Béthanie, appuierait l’oeuvre. Plusieurs jeunes Canadiennes sont prêtes à entrer dans cette voie. le père Prévost se rend à Rome avec sa soeur et obtient l’appui de plusieurs cardinaux, avec des privilèges particuliers, notamment la possibilité de recevoir directement des intentions de messe, c’est-à-dire sans passer par un diocèse ou une autre oeuvre catholique.

Revenu en France, le père Prévost commence son oeuvre en février 1901. Pour accueillir les prêtres en difficulté, malades ou âgés, il achète successivement plusieurs demeures à Malmaison, près de Paris, un immeuble  boulevard Pereire, à Paris, puis plusieurs châteaux à Benais, en Seine-et-Oise, le château de La Beuvrière à proximité d’Angers, puis une grande maison à Villiers-le-Bel. Au Canada, il établit un centre important, le Cénacle, à Pointe-du-Lac, près de Trois-Rivières. Tout cela pose bien sûr la question du financement. Plusieurs prêtres et plusieurs jeunes femmes se présentent pour entrer dans les deux communautés du père Prévost : la Fraternité sacerdotale pour les prêtres, les Oblates de Béthanie pour les femmes. Il aimait à répéter : « Il suffit d’aimer pour devenir un saint. Dieu est amour, Jésus est amour, les saints sont amour. Le ciel, c’est l’amour éternel! Aimons et le ciel est à nous! »

Cependant, les relations entre le père Prévost et sa soeur Ninette se dégradent. Elle quitte finalement la communauté en 1910. En 1929, une autre religieuse, Albertine Le Cuff, abandonne à son tour la communauté. Eugène Prévost est par la suite accusé de gérer mal les finances. Une enquête menée par un prêtre de Paris, le chanoine Dupin, de 1931 à 1934, est très sévère envers le père fondateur. Cette enquête portait à la foi sur le plan financier et sur le plan de l’efficacité réelle de l’oeuvre pour les prêtres en difficulté ou malades. L’enquête n’aboutira pas à la déposition du père Prévost, ni à la dissolution de sa communauté.

Eugène Prévost continue son action. En 1940, la Fraternité sacerdotale compte 116 membres : 44 prêtres, 35 scolastiques, qui font des études en vue de devenir prêtres, 37 frères convers. Au sein des Oblates de Béthanie, le nombre de religieuses augmente peu à peu. Cependant, les difficultés ne cessent pas. On est obligé de renvoyer un certain nombre de membres de la Fraternité : 15 entre 1940 et 1944. Le mode du gouvernement du père Prévost, extrêmement directif, pèse beaucoup sur la Fraternité.

 
 

Mort du Père Prévost:

Le Père Eugène Prévost meurt le 1er août 1946 à La Beuvrière, en France. Il sera d’abord inhumé à l’endroit de son décès. En 1961, son corps est ramené de France et inhumé dans une crypte bâtie à cet effet au Cénacle de Pointe-du-Lac, au Québec. La vente du Cénacle a amené le transfert du corps dans le petit cimetière communautaire de Pointe-du-Lac, c’est-à-dire derrière l’actuelle Résidence Béthanie, au 12160 rue Notre-Dame Ouest, Trois-Rivières. Son coeur, quant à lui, se trouve chez les Oblates de Béthanie dans la ville de Québec.

 

Sources:

PEYROUS, Bernard et POMPIGNOLI, Marie-Ange, La sainteté canadienne, 3e partie, chapitre 2, pages 318 à 322.