Le Saint-Sacrement vénéré par des agneaux

 
 

Vers l’année 1850, par une belle matinée de juin, une voiture s’arrêta devant le presbytère de Rawdon, petit village niché au flanc des Laurentides. On venait chercher le vicaire, l’abbé Nazaire Piché, pour aller porter la sainte communion à un malade assez éloigné de l’église. Dans nos campagnes, comme vous savez, le saint Sacrement est porté de manière ostensible. Près des maisons, le cocher agite sa clochette, tout le monde sort et vient s’agenouiller au bord du chemin, dans un bel acte de foi et d’adoration au Dieu de l’Eucharistie. Ils cheminaient ainsi paisiblement sur la grand-route, le jeune prêtre et son compagnon, lorsqu’ils virent venir à eux un camion que conduisait un orangiste (protestant) connu par sa haine féroce de notre sainte religion. Il se dit sans doute qu’il avait là une belle occasion de manifester son mépris pour tous ces rites superstitieux de l’Eucharistie. Le chemin était large, mais le malheureux approcha sa lourde voiture de manière à heurter violemment celle du prêtre, dans le but apparent de renverser. Le cocher bondit d’indignation; armé de son fouet, il leva le bras pour cravacher l’insulteur et venger l’injure faite à l’auguste Sacrement. « Non, non, asseyez-vous, lui dit tranquillement le vicaire, laissez cet homme. Vous verrez que Notre-Seigneur saura tirer sa gloire de l’insulte qu’on vient de lui faire. »

   Ils parvinrent au domicile du malade. Les membres de la famille, des personnes du voisinage, des enfants étaient groupés sur la galerie et aux abords pour adorer le divin Consolateur des mourants. Tout près de là passaient sept ou huit jeunes agneaux du printemps. À peine eurent-ils vu le prêtre descendre de voiture, portant dans ses mains la sainte custode, qu’ils accoururent, et ensemble, formés en demi-cercle, ils s’agenouillèrent devant l’Agneau de Dieu qui passait.

 
 

Vous concevez l’émotion du vicaire et de tous les témoins du miracle. L’Hostie sainte une fois donnée au malade et les prières dites, on entoura le prêtre, les enfants surtout, encore très excités.

– Monsieur, Monsieur, avez-vous vu tout à l’heure les petits moutons, agenouillés comme nous autres?

– Certainement, mes enfants, répondit le vicaire, et je vais vous donner l’explication du prodige. Il raconta alors l’incident de la route, l’outrage fait à l’Eucharistie par le farouche sectaire, la réparation promise au conducteur pour apaiser sa sainte colère.

– Je ne croyais pas, mes enfants, poursuivit-il, que ma prédiction se réaliserait si tôt. Mais voyez comme le bon Dieu s’y est pris : il a renouvelé le miracle de la Crèche. La sainte Écriture nous rappelait au temps de Noël le mot du prophète : « Israël ne reconnut point le Dieu qui l’avait fait, mais le bœuf reconnut son seigneur et l’âne la crèche de son maître. » L’homme ennemi n’a pas voulu tantôt reconnaître et respecter la présence du Dieu caché sous les voiles eucharistiques; le Père qui est dans les cieux lui a fait rendre cet hommage par ces petits agneaux, très gentils, mais dépourvus de la raison. Quelle leçon pour nous tous, mes enfants, et comme elle doit ranimer notre amour envers la divine Eucharistie!

L’abbé Nazaire Piché déménagera éventuellement à Lachine, près de Montréal, et c’est là qu’il décèdera. Il y est enterré jusqu’à aujourd’hui

 

 

Sources : 

Le Messager canadien du Sacré-Coeur. Vol. XXXII, no 6, juin 1923. Pp. (263)-265. Par Napoléon Paré, S.J.