Vénérable Vital-Justin Grandin

 
 

Jeunesse :

 Né le 8 février 1829, en France, Vital-Justin Grandin se sentit appelé à la vie religieuse très jeune, et en 1846, il entra au petit séminaire avec le désir de devenir prêtre. En 1850, il décida d’être missionnaire et, malgré qu’il ait été affligé d’un zézaiement prononcé, d’une santé fragile et qu’il n’ait pas fait toutes les études nécessaires, il entra au grand séminaire du Mans. L’année suivante, dans l’espoir de servir en Orient, il demanda d’être admis au séminaire des Missions étrangères de Paris, qui le refusa parce que son défaut d’élocution fut jugé un handicap trop sérieux. Il se tourna alors vers les Missionnaires oblats de Marie-Immaculée et entra le 28 décembre 1851 à leur noviciat de Notre-Dame-de-l’Osier, dans le diocèse de Grenoble. Il reçut l’ordination en 1854 du fondateur des oblats lui-même, Bienheureux Mgr de Mazenod.

Amérique :

Un mois après son ordination, Mgr. Mazenod décida d’envoyer Grandin dans le nord-ouest de l’Amérique parce qu’il était le seul à s’être porté volontaire. Arrivé à Saint-Boniface (Manitoba) dans le courant de l’année, Grandin fut affecté l’année suivante à la mission de La Nativité, au fort Chipewyan, Alberta.

Évêque :

 Dix ans après son ordination, Vital Grandin fut nommé évêque 1859 par Mgr Mazenod et prit pour devise :Dieu a choisi ce qu’il y a de faible dans le monde. Le père Grandin avait 28 ans quand il a été ordonné évêque. Il a supplié Mgr. Mazenod de changer d’idée, se disant trop jeune, avec peu d’expérience, sans compétence et faible de santé. Mais sa requête fut rejeté.

Une fois de retour à Île-à-la-Crosse, Grandin reçut la visite de Taché, avec qui il discuta de la possibilité d’ériger, dans le nord, un vicariat gouverné par un évêque résidant afin de freiner l’avance des anglicans dans cette région. En attendant que cet évêque soit nommé, Grandin entreprit une longue tournée des missions nordiques en juin 1861 afin de jeter les bases du futur vicariat (ce sera Mgr. Faraud).

 Mgr. Grandin deviendra évêque à 32 ans! À 64 ans, il consacra Monseigneur Légal.

 Mgr Grandin : « oh! Douleur! Écrit-il dans ses notes intimes, dans l’immense pays qui m’est confié il ne se perd pas une peau de bête; et des âmes, des âmes qui ont coûté le sang de Jésus-Christ se perdent tous les jours! Et j’hésiterais à me sacrifier, moi? Absit (Jamais?)

 Menace des indiens: la compagnie de la Baie d’Hudson vend de l’alcool! Pour se procurer l’alcool, l’indien dépeuple ses terrains de chasse, tuant en grande quantité les bisons, les antilopes, etc.

 Voyant que les peuples indiens sont en danger, ce sont les missionnaires qui vont proposer les réserves!

 Deux missionnaire français tués en 1913 par les esquimaux: Les Pères Rouvière et Le Roux. Avant de les convertir, il fallait les civiliser: chez les Esquimaux, par exemple, on abandonnait souvent les petites filles. On les jetait dans la neige pour les laisser mourir! La mère elle-même se chargeait de les étouffer! Si la fille n’était pas tuée, elle préparait son rôle d’épouse et de mère en partageant, avec les chiens, la nourriture et les coups! Durant les famines, on mangeait les enfants! L’orphelin était abandonné dans la forêt! On invitait aussi les vieillards à se tuer (45 ans c’était vieux).

 Un des plus pénibles raconte Mgr. Grandin, c’était de devoir traverser les rivières geler: des amas de gros glaçons entre-choqués! Parfois, la glace craquait! Le Frère Lecreff a failli périr! Il fallait passer en zig-zag, couper à coup de hache des glaçons, etc.

Mgr Grandin écrivit : « Mon cher ami, la seule chose que vous devez redouter est la médiocrité car elle nous prive des dons du Saint-Esprit. Nous sommes pauvres, sans valeur, chétifs ; soyons au moins généreux, des hommes à l’âme large et noble. Disons toujours oui aux inspirations de Dieu et non à nos penchants humains ».

Discours de Monseigneur Grandin sur le Nord du Canada :

Après avoir rencontré en France, Monseigneur Grandin, Louis Veuillot écrivit le fameux article intitulé : Le pouilleux

Dans une discussion sur Benoît Joseph Labre : L’évêque missionnaire, demi-souriant, demi-sérieux, parla à peu près en ces termes : « J’avoue que je vie habituellement dans la condition matérielle où voulut rester le bienheureux Labre, et même dans une condition pire. Je le fais sans aucune sensualité, mais je le fais de bonne volonté, je sais à quoi cela est bon. Mon diocèse, plus grand que la France, est situé dans les extrêmes régions du pôle nord. Nous avons sept ou huit mois de neiges et de glaces, un mois de boues et de marécages; la moitié du reste, des poussières. J’ai passé de nombreuses nuits dehors, par 45 degrés de froid (moins 45 Celsius). J’aime mieux 45 degrés sans vent que 25 avec du vent : J’ai voyagé des mois entiers dans les neiges, sur les lacs gelés, perdant ma route quand ce terrible vent nous fouettait de ses âpres tourbillons. 

Je couche sur la terre nue, je ne mange pas de pain, je ne bois pas de vin; je me nourris de poisson séché ou gelé, ordinairement arrosé de neige fondue, peu limpide. En voyage, nous vivons d’une poudre de viande sèche roulée dans le suif. Je n’y suis pas habitué après quinze ans. Tout cela ce n’est rien encore.

Il faut coucher en compagnie! Lorsqu’il s’agit de passer la nuit sur un lit de glace, sous un édredon de neige, les rudes vêtements de cuir, les peaux de bêtes n’entretiennent pas la chaleur nécessaire pour dormir. On se met en tas sous les couvertures. J’ai un sauvage à ma droite, un sauvage à ma gauche, et parfois il faut introduire aussi dans ce lit les chiens qui traînent les bagages.

Or, rien n’égale la malpropreté des sauvages. Elle n’est pas seulement hideuse et infecte, elle est souvent infâmes. Les Européens leur ont communiqué des vermines qu’ignorait leur barbarie. Dans ces cas-là, je me contente de mes chiens. Mais si les sauvages n’ont que des poux, je les prends – et je prends aussi leurs poux. Oui, toujours, à la fin d’une course apostolique, j’ai des poux. En vérité, messieurs, je ne crois pas que personne s’astreigne à nourrir des poux uniquement par plaisir! Quant à moi, je m’en débarrasse sitôt que je peux. J’ose ajouter que mes sauvages eux-mêmes, quoique moins importunés, s’en séparaient volontiers.

Je rapporte donc des poux, et en quantité, et sans aucune satisfaction d’en avoir, veuillez le croire. Néanmoins, dès qu’il faut repartir, je repars. Je me trouverais fou de ne pas repartir, je me trouverais coupable de rester dans ma station.

Ma station n’est pas un lieu de délices. J’y suis maçon, charpentier, pêcheur, tailleur, garde-malade, maître d’école, etc., etc. J’y ai des nuits d’un mois; j’y suis moqué fréquemment, car mes sauvages, grands orateurs et très puristes, trouvent que je ne parle pas leurs dialectes avec l’élégante correction qu’il faudrait… Bref, mille ennuis me rencontrent là. J’y ai même des bourgeois, des européens qui font le commerce des pelleterie : négociants, hérétiques, ennemis de nature, habile à me donner des soucis les plus amers pour mon cœur. Ce n’est pas tout : mes nombreux métiers, mes visiteurs, le genre d’installation imposé par le climat, notre misère, en éloignent les parfaites délices de la propreté. Mais enfin, je n’y ai point de poux… c’est-à-dire, je n’en ai pas tant à la fois, ni si longtemps. Je repars néanmoins, comme je vous le disais; j’attends avec impatience le moment de repartir.

Et je ne saurais le déguiser, Messieurs : certainement je me plairais ici. Voilà un bon feu, nous quittons une bonne table, la soupe était excellente; elle m’a rappelé la soupe de mon pays manceau. – Que de fois je n’ai pu me défendre de désirer une bonne soupe de mon pays! – Enfin, vous êtes chrétiens, mes amis et mes frères, et votre hospitalité m’est très douce. Toutefois, je voudrais être loin; je voudrais être dans mon désert de glace, sous mes couvertures de neige, à jeun depuis la veille, couché entre mes chiens et mes sauvages pouilleux. C’est que je n’ignore pas à quoi ma vie de là-bas est bonne. Dans cette nuit, je porte la lumière; dans ces glaces, je porte l’amour; dans cette mort, je porte la vie ».

Problème de ravitaillement :

Parmi les problèmes concrets auxquels les missionnaires faisaient face, il y avait le ravitaillement. Pendant son séjour à Île-à-la-Crosse, Grandin tenta d’établir un trajet de livraison à partir de Saint-Boniface afin de moins dépendre de la Hudson’s Bay Company, qui exerçait un monopole sur le transport et les provisions importées.

Le 22 septembre 1871, Rome publia les bulles qui créaient le diocèse de Saint-Albert et en nommaient Grandin évêque.

Conflits avec les protestants: 

Pour Grandin, la signature des traités rend la tâche de ses missionnaires plus difficile. Une fois les Indiens établis dans les réserves, le clergé protestant est moins réticent à s’aventurer et les rivalités confessionnelles s’intensifient. Au début, les catholiques n’étaient pas en mesure de fournir des missionnaires pour chaque réserve ; lorsqu’ils ont été envoyés plus tard là où les protestants étaient déjà établis, Grandin a allégué que des agents indiens, sur les conseils du clergé protestant, tentaient d’empêcher les catholiques de construire une autre école ou une autre mission sous prétexte que les Indiens eux-mêmes ne voulaient pas d’un établissement rival. Grandin a affirmé que le gouvernement n’avait pas signé de traités avec les confessions, mais avec les Indiens. Ces derniers doivent donc être autorisés à appartenir à l’église de leur choix et ce privilège ne peut être violé ou mis en péril par la majorité.

En étroite relation avec cette préoccupation, Grandin soupçonnait les fonctionnaires du ministère des affaires indiennes d’exercer une discrimination à l’encontre des institutions catholiques et des Indiens.

Prêtre autochtone :

L’un des souhaits les plus chers de Grandin était de créer un indigène, c’est-à-dire un clergé indigène. Pour ce faire, il envoie les deux orphelins qu’il a adoptés au Collège de Saint-Boniface en 1859, mais ils abandonnent leurs études. En 1876, le latin est enseigné à un petit nombre d’enfants métis de bonne famille afin de les préparer au sacerdoce. Un seul, Édouard Cunningham, persévère et, après des études plus poussées à Ottawa, il est ordonné par Grandin le 19 mars 1890, devenant ainsi le premier prêtre métis du Nord-Ouest. Quelques années plus tard, en 1897, une douzaine d’enfants sont envoyés dans divers collèges et séminaires de l’est du Canada mais, faute d’une préparation adéquate, ils se découragent et rentrent chez eux. Pour tenter de surmonter ce problème, Grandin inaugure le 21 janvier 1900 le Petit Séminaire de la Sainte-Famille à St Albert.

La détermination de Grandin à créer un clergé autochtone n’est pas partagée par tous ses missionnaires, dont beaucoup ont tendance à considérer certains traits chez les Indiens et les Métis comme des obstacles insurmontables à une vocation religieuse.

Il cherche protection et respect auprès du gouvernement pour les indiens :

Avant la rébellion du Nord-Ouest de 1885 (Avec Louis Riel), Monseigneur Grandin s’est rendu compte que les Métis de son diocèse souffraient et il a fait de nombreuses démarches auprès des autorités pour alléger leur sort. Alors que la situation des Métis se détériorait et que leurs frustrations augmentaient, Grandin a cherché à la fois à les maintenir dans un état d’obéissance et à obtenir justice pour eux de la part du gouvernement. Bien qu’il déplore le recours aux armes en 1885, il reste convaincu que ce sont les résidents anglophones qui ont provoqué la rébellion des Métis en tentant de voler leurs terres. Il affirmait en outre que les autorités avaient négligé ces activités illégales et que ce mépris avait rendu les Métis encore plus furieux. À l’égard de Louis Riel*, Grandin est totalement hostile. Il juge le chef métis un fou furieux qui, prétendant être inspiré par Dieu, a trompé les gens et les a forcés à prendre les armes. Après la rébellion, Grandin intercède en faveur des détenus et demande au gouvernement d’être le plus indulgent possible. Il s’inquiétait également du bien-être matériel des Métis qui s’aliénaient leurs terres. Il les encourage donc à s’établir dans la colonie que le père Albert Lacombe a fondée pour eux à Saint-Paul-des-Métis (St Paul, Alta). 

La mort :

Vital-Justin Grandin était de santé fragile depuis sa petite enfance, et la vie missionnaire dans le Nord-Ouest – travail ardu, déplacements fréquents dans des conditions pénibles, mauvaise alimentation – aggravèrent sans aucun doute son état. Il souffrait de graves maux d’oreille, d’abcès et d’infections ; dès 1875, il craignit de devenir sourd. Malgré les soins qu’il reçut en France, ses problèmes persistèrent et se compliquèrent par la suite de désordres internes et d’hémorragies. En raison de son âge et de sa santé, il demanda à être relevé de ses fonctions d’évêque et de vicaire des missions. Rome refusa sa démission et quelque temps après, en 1897, nomma Émile-Joseph Légal évêque coadjuteur de Saint-Albert. La santé de Grandin continua de décliner, mais il exerça ses fonctions jusqu’à sa mort, qui survint le 3 juin 1902. Les investigations canoniques en vue de sa béatification commencèrent en 1929, et en 1966, on le déclara vénérable.