Le père Sébastien Racle, martyr de l’Acadie

 
 

Jeunesse du père Racle:

Sébastien Racle (son nom s’écrit parfois Rale, ou Rasle, ou encore Rasles) est né en France le 4 janvier 1652 à Pontarlier dans le Doubs. Il fut baptisé dans l’église Saint-Bénigne de Pontarlier le 28 janvier de la même année.

Le 24 septembre 1675, il entra au collège des Jésuites à Dole. Après avoir terminé son noviciat, il fut nommé professeur de cinquième au séminaire de Carpentras, où il séjourna deux ans ; puis il fut appelé à Nîmes et successivement à Carpentras et à Lyon, où il enseigna la théologie. De là il passa à sa troisième année de probation, et il partit pour le Canada le 23 juillet 1689.

Arrivée au Canada:

Le père Racle arriva à Québec le 13 octobre, et il fut aussitôt envoyé à la mission abénaquise de Saint-François-de-Sales pour se mettre au courant de la langue des indigènes. « À mon arrivée à Québec, écrivait-il à son frère, je m’appliquai à la langue de nos sauvages. Cette langue est très difficile, car il ne suffit pas d’en étudier les termes et leur signification, et de se faire une provision de mots et de phrases, il faut encore savoir le tour de l’arrangement que les sauvages leur donnent, et que l’on ne peut guère attraper que par le commerce et la fréquentation de ces peuples. »

Enfin, en 1693, le père Racle fut appelé à prendre le chemin de la mission abénaquise de Narrantsouack, petit village situé à 10 km de Norridgewock, presque vis-à-vis l’embouchure de la rivière Sandy dans le Kennebec. C’est là qu’il passera les trente dernières années de sa vie, chez ces Abénaquis dont il avait su apprécier les excellentes dispositions tant à l’égard de la religion catholique qu’à l’égard des Français, avec qui ils étaient alliés depuis de longues années.

Étant plus proches des comptoirs anglais, ils commerçaient davantage avec les négociants de Boston qu’avec ceux de Québec. Les Bostonnais espéraient toujours qu’ils finiraient par s’attacher une nation dont ils pourraient utiliser la valeur et le courage au cours des guerres qui menaçaient d’éclater entre la France et l’Angleterre. De leur côté, les Abénaquis avaient juré fidélité à la France, et ils virent toujours d’un mauvais œil la conduite des Bostonnais à leur égard, qui, pendant un certain nombre d’années, put se résumer en de belles promesses.

Sébastien Racle était un missionnaire avant tout. Ses supérieurs l’avaient envoyé à Narrantsouak pour s’occuper de l’avenir religieux des Abénaquis (déjà partiellement christianisés), et nullement pour y faire de la politique, ni même aider les Français dans leurs guerres. Quelque temps après son arrivée, cependant, le gouverneur de la Nouvelle-Angleterre demanda une entrevue avec les Abénaquis. Ceux-ci consentirent, mais à condition que le missionnaire y assistât, afin de s’assurer que tout se fît sans préjudice à la religion et à la couronne de France. Le père dut se rendre au lieu de l’entrevue. « Je me trouvai, dit-il, où je ne souhaitais pas être, et où le gouverneur ne souhaitait pas que je fusse. » (c.f. Lettre de Sébastien Racles à son frère (12 octobre 1723), publiée dans Jacques Bernard Hombron, pages 467-494). Après avoir sollicité les Abénaquis de rester neutres, le gouverneur prit à part le père Racle, et lui dit : « Je vous prie, monsieur, de ne pas porter vos Indiens à nous faire la guerre. » Ce à quoi répondit le missionnaire : « Ma religion et mon caractère de prêtre m’engagent à ne leur donner que des conseils de paix. » (c.f. La mémoire du P. Rasle vengée, Québec, Typ. Laflamme & Proulx).

Les missions abénaquises étaient très florissantes au commencement de ce siècle (18e). Le père Sébastien Racle se dévouait depuis de longues années à Narantsouak, bourgade située à l’embouchure de la rivière Kénébec. Il déployait un zéle vraiment apostolique pour défendre ses néophytes contre le prosélytisme protestant; les manœuvres des Anglais chez les Abénaquis pour les rallier à leur parti et s’emparer de leurs terres, n’eurent aucun succès.

On essaya alors de corrompre leur foi, et un ministre vient de la Nouvelle-Angleterre pour détourner ces indiens du catholicisme, mais sa tentative échoua. Les Bostonnais attribuèrent aux conseils du missionnaire, l’hostilité des sauvages envers eux, et formèrent dès lors le projet de s’emparer du père Racle.

Martyre du père Racle:

« Connaissant l’attachement que ses néophytes lui portaient, les Anglais de Boston envoyèrent au mois d’août 1724, une armée de onze cents hommes pour prendre et détruire Narantsouak. Cerner le village entouré d’épaisses broussailles, et le livre aux flammes, fut l’affaire d’un instant. Au premier bruit, le saint vieillard sortit de sa chapelle et courut au secours de ses chers chrétiens, espérant protéger les femmes et les enfants. Aussitôt que les assaillants l’aperçurent, une grêle de balles tomba sur lui, et le vaillant apôtre s’affaissa au pied de la croix qu’il avait plantée » (c.f. Histoire de l’Église du Canada, pages 163-165). 

Les vainqueurs épuisèrent leur vengeance sur son cadavre, qu’ils mutilèrent de la manière la plus barbare; puis ils se retirèrent avec précipitation.  »Des sauvages, » dit le père de Charlevoix,  »trouvèrent le père Racle percé de coups de hache, la bouche et les yeux remplis de boue, les os des jambes fracassés, etc., etc. 

Les néophytes abénaquis inhumèrent leur missionnaire à l’endroit même où, la veille, il avait offert le sacrifice de la messe. Il laissa la réputation d’un saint, et le supérieur de Saint-Sulpice, à qui on demanda des prières pour le repos de l’âme du père Racle, répondit par ces paroles de saint Augustin: « C’est faire injure à un martyr que de prier pour lui ». 

En 1833, Monseigneur Fenwick, évêque de Boston, fit ériger, à l’endroit même où fut enterré Sébastien Racle, un modeste monument à la mémoire du pieux martyr. La première pierre fut posée le 23 août, jour anniversaire de sa mort, en présence des chefs des principales tribus sauvages disséminées dans son immense diocèse. 

 
 

 

Sources:

Histoire de l’Église du Canada, par une religieuse de la Congrégation Notre-Dame