La pénitence du prêtre-fantôme de l’Ile-Dupas

 
 

     Le récit de la pénitence du prêtre-fantôme de l’Île-Dupas nous est raconté par le Père Vincent Plinguet, qui fut curé de l’Église de La Visitation-de-l’Île-Dupas pendant 30 ans (1861-1891). Au tout début, l’abbé Plinguet hésitait à rapporter cette histoire, pensant qu’elle ne serait peut-être qu’une légende. Bien qu’il soit difficile de prouver sa véracité, nous savons du moins que Jacques Valois, le personnage rapporté comme étant un témoin oculaire, a bel et bien existé. Selon les registres Monsieur Valois serait décédé le 17 juillet 1750 à l’Ile-Dupas. Voici la fameuse histoire telle qu’elle nous est rapportée par le Père Vincent Plinguet : 

  « Je ne quitterai pas cette église de la paroisse sans rapporter tout ce qui s’y rattache. L’on croit assez généralement ici qu’il y eut un prêtre inhumé dans cette église ; quoique, dans les registres qui existent, je n’aie rien découvert qui pût confirmer cette tradition, je crois celle-ci fondée sur une histoire de revenant, que j’ai hésité à consigner ici ; mais me souvenant de celle racontée par M. le chevalier J. C. Taché dans ses Forestiers et voyageurs des « Soirées canadiennes » ( Les Soirées canadiennes ; recueil de littérature nationale, Québec, 1863, p. 167) : « pourquoi pas ? », me dis-je, et la voici :

    On avait remarqué plusieurs fois, dans l’église, au milieu de la nuit, une lumière plus forte que celle donnée par la lampe ordinaire ; d’abord, on en fit peu de cas ; puis comme la lumière continuait d’apparaître toutes les nuits, on s’en émut, et on résolut d’éclaircir la chose ; on se réunit donc au nombre de quatre ou cinq pour se donner un peu de courage, et l’on s’avança sur une seule ligne vers l’église ; mais quelle ne fut pas la stupéfaction de ces hommes, lorsqu’ils virent au pied de l’autel un prêtre revêtu de ses habits sacerdotaux, et demeurant toujours au même lieu ! Ils n’osèrent pas entrer et s’en retournèrent, même un peu plus vite qu’ils n’étaient venus, et de retour chez eux, ils se livrèrent à mille conjectures.

   En entendant parler de ce qui se passait, un nommé Jacques Valois (le trisaïeul de celui de qui je tiens ces détails, et le père de ceux qui s’établirent à Lachine et à la Pointe-Claire), plus brave que les autres, s’engagea à entrer dans l’église, pour voir de plus près ce dont il s’agissait. Un soir donc, après la veillée avec ses amis, il se rendit à l’église, fit sa prière et attendit. Vers minuit, il vit un prêtre, en soutane, sortir de la sacristie, allumer deux cierges aux extrémités de l’autel, tout préparer pour une messe, et rentrer dans le lieu d’où il venait de sortir.

    Quelques instants après, il l’en vit ressortir, revêtu de ses ornements, portant le calice, et monter à l’autel. Pensant bien que la messe allait avoir lieu, notre Valois se rend au pied de l’autel, sert la messe qui se dit à l’ordinaire, et reconduit le célébrant à la sacristie ; celui-ci, après avoir salué la croix, se tourne de son côté et lui dit : « Depuis trois ans, je viens ici toutes les nuits, pour redire une messe que j’ai dite avec trop de précipitation ; pendant ma vie, j’étais condamné à y venir jusqu’à ce que j’eusse trouvé un servant (il faut savoir qu’à l’époque, il était interdit de dire une messe sans servant de messe) ; grâce à vous, ma pénitence est terminée, je vous remercie. » Et il disparut. »

 
 

Source :

-Plinguet, Vincent, Histoire de l’île Dupas, dans Annuaire de Ville-Marie, tome premier : Histoire des paroisses du diocèse de Montréal, Montréal, Z. Chapleau, Libraire-éditeur, Rue Notre-Dame, 1867, p. : 17-18.

-Coups de crayon par F.A. Baillairgé, Joliette, Bureau de l’étudiant et du couvent, 1889, pages 61 et 62.