La vie de Paul Comtois

 
 
Naissance et jeunesse:

Jean-Paul-François Comtois est né à Saint-Thomas-de-Pierreville, dans le comté de Yamaska au Québec, le 22 août 1895. Son père, Urbain Comtois, était un commerçant de vieille souche agricole québécoise, tandis que sa mère, Elizabeth (née McCaffrey) était d’origine irlandaise. Après avoir terminé le cours classique au Collège de Nicolet, Paul Comtois est admis à l’Université de Montréal. Il étudie l’agronomie à l’Institut agricole d’Oka, un institut agricole dirigé par les moines d’un monastère trappiste, et obtient son diplôme en 1918.
Ses études terminées, Comtois revient à Pierreville pour exploiter la ferme familiale, la Ferme des Ormes, dont la terre avait été défrichée par son grand-père en 1835. En 1921, il a épousé Irène-Anne-Rachel Gill, qui a donné à Comtois trois fils et deux filles.

  Paul Comtois continue à cultiver la terre pendant deux décennies, obtenant la médaille de bronze du Mérite agricole en 1926, mais il devient un participant de plus en plus actif dans les affaires civiques de sa communauté. Il est nommé à la tête de la commission scolaire locale en 1928 et se présente comme candidat conservateur pour la circonscription de Nicolet-Yamaska aux élections parlementaires fédérales de 1930, perdant par une seule voix ! Comtois est évaluateur en chef de la Commission de l’agriculture de 1935 à 1936, année où il devient directeur général de l’Office du crédit agricole de la province, poste qu’il occupera jusqu’en 1957. Entre-temps, il a siégé pendant un an au Comité de l’habitation en 1948, a cofondé la coopérative agricole de sa ville natale, Pierreville, et a été nommé président (de 1945 à 1961) de la Caisse populaire de Pierreville, l’une des coopératives de crédit fondées par l’Église pour assurer le bien-être financier du Québec rural.

L’honorable Paul Comtois, lieutenant-gouverneur du Québec:

 

De 1948 à 1961, Paul Comtois a été maire de la paroisse de Saint-Thomas-de-Pierreville, et il fut nommé préfet du comté de Yamaska en 1956. Un an plus tard, il venge sa défaite électorale de 1930 en se faisant élire à la Chambre des communes dans la circonscription de Nicolet-Yamaska aux élections de 1957. En août de la même année, Comtois est nommé au Conseil privé et devient ministre des Mines dans le cabinet du légendaire premier ministre canadien, John Diefenbaker. Après quatre ans dans le cabinet canadien, le gouverneur général, sur les conseils du premier ministre, nomme Paul Comtois lieutenant-gouverneur du Québec, le représentant personnel de la reine dans la province.
Comtois s’acquitte de ses fonctions vice-royales avec beaucoup d’assiduité. Sociable et populaire, il est membre du Garrison Club et du Quebec Winter Club. Catholique convaincu, il est actif au sein des Chevaliers de Colomb et de la Ligue du Sacré-Cœur. Comme le veut la coutume pour les représentants vice-royaux canadiens, M. Comtois a été fait chevalier de l’Ordre vénérable de Saint-Jean. Il a reçu un doctorat honorifique de l’Université de Sherbrooke en 1962, et un autre de l’Université McGill un an plus tard, et a été fait commandeur de l’Ordre du mérite agronomique.

Pourtant, alors que le lieutenant-gouverneur et son épouse assistent à des bals dans les meilleurs hôtels de la province et sont invités à des dîners dans les maisons les plus prestigieuses, toute la famille dit le chapelet ensemble tous les jours, souvent à l’extérieur malgré le froid rigoureux de l’hiver. La famille vit dans la résidence officielle du vice-roi, le Bois-de-Coulonge, dans la banlieue de Québec, à Sillery. Comtois demande au cardinal-archevêque de Québec, primat du Canada, la permission de réserver le Saint-Sacrement dans la chapelle privée du Bois-de-Coulonge. Le cardinal hésite mais finit par accepter la pieuse requête de Comtois.

Incendie du Bois-de-Coulonge:

« Mon père m’a dit un jour qu’il avait eu du mal à obtenir du cardinal l’autorisation spéciale de conserver en permanence le Saint-Sacrement dans la chapelle privée », a rappelé plus tard Mireille, la fille de Comtois. « Lorsqu’il a finalement obtenu cette permission, c’était à la condition qu’il soit personnellement responsable de sa bonne garde. Et mon père était un homme qui respectait ses obligations à tout prix. »
Après minuit, le soir du 21 février 1966 – une nuit d’un froid glacial de -24° Fahrenheit, -31° Celsius – le lieutenant-gouverneur, sa famille et quelques invités sont rentrés à Bois-de-Coulonge après un événement social. Une demi-heure après que l’assemblée ait fait ses adieux et se soit couchée, un incendie féroce s’est déclaré dans le sous-sol du manoir vieux de 105 ans.

« Le feu a démarré comme s’il s’agissait d’une boîte d’allumettes », rapporte le lieutenant-colonel J.P. Martin, l’aide de camp du lieutenant-gouverneur. « Il était incroyable de voir à quelle vitesse les flammes se sont propagées dans le bâtiment ».
Dès que le feu a été remarqué, le gouverneur a immédiatement pris les choses en main, guidant sa femme et ses enfants hors de la maison dans la froide nuit d’hiver à l’extérieur. Sa fille Mireille, cependant, a remarqué que son père ne voulait pas encore quitter la maison en amadou.
« Alors que je courais dans le bâtiment pour échapper au feu, j’ai rencontré mon père dans la chapelle. Alors que j’allais courir vers lui, il m’a fermement ordonné de sauter d’une fenêtre voisine et je l’ai fait, me demandant pourquoi il ne faisait pas de même. La dernière fois que je l’ai vu, il se tenait sous la lampe du sanctuaire, en pyjama et portant autour du cou le chapelet souvenir de son père qu’il disait chaque soir et qu’il portait pour dormir ».
Après s’être assuré que toute sa famille et ses invités avaient échappé au brasier, Paul Comtois, âgé de soixante-dix ans, retourna à la chapelle privée dans laquelle il rendait visite au Seigneur chaque soir avant de se coucher, afin de sauver le Saint-Sacrement de l’incendie profanateur. Il atteint la chapelle, déjà envahie par les flammes, mais parvient à se rendre jusqu’au tabernacle et à retirer la pyxide contenant le Corps du Christ. En sortant de la chapelle, il descendit l’escalier qui s’effondra autour de lui, et le lieutenant-gouverneur fut brûlé vif dans le brasier. L’incendie dans lequel Paul Comtois a trouvé la mort était si chaud que les premiers pompiers arrivés sur les lieux n’ont pu s’approcher à moins de cent pieds du bâtiment.
« On m’a dit », poursuit Mireille, « que lorsqu’on l’a retrouvé, son corps était gravement brûlé et ses bras n’étaient plus intacts ; mais mon père était un homme grand et trapu et, sous la partie supérieure de son corps, on a trouvé le pyx utilisé pour porter la Sainte Eucharistie. Son corps l’avait sauvé des flammes. … Je l’imagine encore debout à la lumière de la lampe du sanctuaire ».
Le cardinal Maurice Roy, archevêque de Québec & primat du Canada, a déclaré que « M. Comtois, en tant que chrétien, a donné un exemple de sagesse et de bonté, d’humilité et de foi rayonnante. »
« J’ai sauté pour me mettre en sécurité d’un balcon du deuxième étage, me blessant ainsi au dos et étant hospitalisé quelque temps après », a déclaré Mac Stearns, l’un des invités de la famille ce soir-là. « Ma femme et moi étions de bons amis de la famille Comtois. Nous avions l’habitude de nous rendre visite les uns aux autres. Je suis devenu un ami proche et un admirateur de Paul Comtois. C’était une personne très sincère, profondément concernée par les problèmes de l’humanité. »
« Sa formidable foi religieuse m’a beaucoup impressionné et a sans doute contribué à ce que j’embrasse la foi catholique quelque temps après sa mort. Connaissant sa grande ferveur pour le Saint-Sacrement, je n’ai aucun doute que Paul ferait tout ce qui est en son pouvoir pour sauver la Sainte Eucharistie du feu. »

 
 

L’héroïsme de Paul Comtois contraste directement avec la lâcheté de l’establishment changeant de l’époque à rapporter sa mort. « La presse de gauche : Le Devoir, La Presse de Montréal, Le Soleil de Québec, minimisent l’acte merveilleux », écrit le père J. M. Laplante, O.M.I. dans The Wanderer (10 mars 1966). « En d’autres temps, cette nouvelle aurait couvert le monde entier de gros titres. Mais de nos jours ? Je doute que La Croix et Les Informations Catholiques Internationales de Paris, ou les hebdomadaires catholiques libéraux, accordent beaucoup de couverture ou de commentaires à cet acte de foi sublime. »
« Mais quel acte de réparation », écrit le Père Laplante, pour les prêtres errants qui ne croient pas à la Sainte Eucharistie et profanent eux-mêmes le Saint Sacrement. « Le fait qu’en 1966, un homme politique, un homme d’État, le représentant immédiat de la reine anglicane au Québec, ait imité le geste de saint Tarcisius devrait être crié sur les toits. … Oui, Son Excellence Paul Comtois, hôte du Christ au manoir de Bois-de-Coulonge, a donné sa vie pour l’amour du Christ Hostie ! »
Sœur Maureen Peckham, R.S.C.J., a écrit en 1988 sur la mort héroïque du lieutenant-gouverneur dans son introduction à L’Affirmation de Paul Comtois de John Cotter : « Plus de vingt ans se sont écoulés depuis que, dans un acte de générosité galante, un « beau geste » surnaturellement splendide, Paul Comtois, lieutenant-gouverneur de la province de Québec, a donné sa vie pour son Ami du Saint-Sacrement. Son histoire, loin de faire la une des journaux, est considérée, par la presse laïque, comme ne méritant pas d’être signalée, et, par la presse catholique, comme un embarras. L’Église de la seconde moitié du vingtième siècle n’est pas, à sa grande honte, réputée pour sa foi dans le Saint Sacrement, et l’on ne peut que déduire que c’est la crainte d’être considéré comme stupide et vieux jeu – ou, pire encore, vieux chapeau – par un monde incroyant qui a poussé les dirigeants de l’Église du Québec à passer sous silence, en rougissant, le noble acte de M. Comtois ».

« Pourtant, Paul Comtois était un homme du monde, un mondain connu, un homme qui avait atteint les sommets de la gloire mondaine ; c’était un homme que le monde pouvait reconnaître comme sien. De plus, sa mort chevaleresque et courageuse aurait dû, même sur le plan humain et verbal, mériter le titre de héros. Que lui, qui avait été honoré par le monde durant sa vie, ait été ignoré par le monde au moment de sa mort, ne peut s’expliquer que par le fait qu’il est mort pour Celui que le monde ne reconnaît pas et a toujours refusé de reconnaître. »
« Le glorieux martyre de Paul Comtois, passé sous silence par un monde incrédule, et par une Église trop incrédule, n’en est pas moins resté dans la mémoire fidèle des vrais amis de Dieu. Que l’un d’eux mette aujourd’hui sous presse le témoignage lumineux de la charité de M. Comtois, dans sa beauté radicale et essentielle, est un événement heureux et réjouissant. Puisse ce récit inspirant enflammer le cœur de tous ceux qui le lisent d’un amour indéfectible pour le Seigneur du Tabernacle. »

 

Sources:

www.andrewcusack.com/2009/paul-comtois/