Les zouaves canadiens et la village de Piopolis

 
 

Avant la réunification de l’Italie, le territoire actuel de ce pays n’était autre qu’un amalgame de différents royaumes. En 1860, Victor-Emmanuel, roi de Sardaigne, entreprit d’unifier l’Italie pour en faire un seul et même royaume et convoite les États pontificaux (Les terres du Pape). Le problème est délicat car Rome appartient au pape Pie IX et celui-ci refuse d’abdiquer. Monseigneur Xavier de Mérode, ancien militaire devenu pro-ministre des armes, décide de faire appel au général de Lamoricière pour réorganiser et commander l’armée pontificale. Malgré cela, le sort de l’État pontifical paraît critique. Au printemps 1860, malgré ses efforts, le pape Pie IX perd le tiers des États pontificaux. À l’automne, les troupes pontificales composées de 10 000 hommes firent face à une armée de 60 000 soldats. C’est la défaite des troupes pontificales.Les Piémontais écrasent les Pontificaux à la bataille de Castelfidardo () et l’État du pape se trouve réduit au seul Latium.

Suite à cet échec, Pie IX fit appel à tous les jeunes gens de bonne volonté en provenance de tous les pays catholiques à travers le monde. «  Ministre de paix, dit le Pape Pie IX, je suis aussi le ministre de ce Dieu qui s’appelle le Dieu des armées et qui, de son bras tout-puissant, combat le mal. Vicaire de Jésus-Christ, défenseur de la justice, de la vérité et des droits de chacun dans le monde entier, il est juste que dans tout l’univers, on s’unisse pour protéger et défendre mes droits sacrés. Si nous sommes en Dieu, dépositaires de sa justice, s’Il habite en nous par sa grâce, c’est alors qu’Il combattra victorieusement dans notre camp  : et si Dieu est avec nous, qui sera contre nous  !  »

La cause papale fut bien accueillie parmi les fidèles catholiques. Suite à cet appel du Pape, Belges et Français constituent un bataillon de tirailleurs franco-belges sous les ordres du vicomte Louis de Becdelièvre. Celui-ci tient personnellement à les doter de l’uniforme inspiré des zouaves (de l’Algérie), et adapté à la chaleur romaine. Le bataillon des Zouaves pontificaux est constitué d’une partie des tirailleurs franco-belges et des Irlandais du bataillon de Saint-Patrick, auxquels s’étaient ajoutés, avant la bataille, les quelques « croisés » d’Henri de Cathelineau. Ils forment l’armée la plus hétéroclite jamais rassemblée. En effet, on retrouve dans ces régiments des hommes de plusieurs pays. En dépit de leurs différences : langue, culture et coutumes, ils doivent en toute hâte apprendre les rudiments de base de la guerre. Leur formation est beaucoup plus religieuse que militaire. 

Pendant dix ans, les volontaires volent au secours du pape et affluèrent de partout. Ils proviennent de 22 pays différents.

Dans son premier ordre du jour, le général de La Moricière s’en fit l’écho  : «  Soldats  ! Sa Sainteté le pape Pie IX ayant daigné m’appeler à l’honneur de vous commander pour défendre ses droits méconnus et menacés, je n’ai pas hésité à reprendre mon épée ».

«  Le christianisme n’est pas seulement la religion du monde civilisé, il est le principe et la vie même de la civilisation  ; la papauté est la clef de voûte du christianisme. Soldats  ! ayez confiance et croyez que Dieu soutiendra notre courage à la hauteur de la cause dont il confie la défense à nos armes.  »

 

Les zouaves canadiens :

Pour les zouaves pontificaux canadiens, ils furent nombreux à participer à cette guerre et ils étaient majoritairement québécois. Entre 1861 et 1870, Des volontaires de Québec répondent à l’appel et ce groupe quitte la capitale vers Rome. Tous ces soldats débarquent au Havre et à Brest et traversent la France vers leur destination. Ils veulent verser leur sang pour le Christ, mais ils arrivent trop tard, Rome ayant déjà capitulé. En tout, 507 zouaves canadiens, regroupés en 7 contingents, furent recrutés et 388 d’entre eux firent le voyage pour les États pontificaux à partir du 10 mars 1868.

 

Dévouement :

Outre les attentats, les épidémies firent de nombreuses victimes. Un détachement de trente-quatre zouaves découvrit un soir à Albano un spectacle affreux. Le choléra y avait fait des ravages. Vingt cadavres jonchaient la place publique  ! Le gouverneur, malade d’angoisse, ne quittait pas son lit  ; le maire avait pris la fuite et le premier adjoint était mort. Beaucoup d’habitants épargnés avaient abandonné leurs malades.

Le lieutenant constata rapidement la gravité de la situation et organisa les secours. Mais personne n’osait toucher aux cadavres. Aidé de son sergent-major, le lieutenant en prit un et le porta au cimetière. Puis, il lança à ses hommes  : «  Je vous ai donné l’exemple  ; ceux qui veulent travailler avec moi restent ici, ceux qui ne se sentent pas le courage rentrent à la caserne.  »

Personne ne bougea. Impressionnés et enthousiasmés par cet héroïsme, ils imitèrent leur chef et passèrent la nuit à soigner les malades ou à enterrer les morts. À l’exemple de ces soldats, soyons oublieux de nous-mêmes. Sachons sacrifier de notre temps, de nos biens ou de nos aises pour aider notre prochain. «  Je suis prêt à faire le sacrifice de ma vie pour la défense du Saint-Père, écrivait Jean Rialon à ses parents. Priez pour moi et demandez à Dieu que je sois martyr.  »

Piopolis :

Le 20 septembre 1870, le Pape décida d’abandonner le résistence et ordonna la reddition de ses troupes et Rome est rattachée au royaume d’Italie. Après entente avec les forces ennemies, l’acheminement des zouaves se fit en grande partie par voie maritime jusqu’à la frontière de leurs pays respectifs qui assumaient les frais de rapatriement.

Malgré le fait qu’ils se soient enrôlés pour se battre, très peu de zouaves canadiens n’eurent l’occasion de se mesurer à l’adversaire. 

Quelques mois après leur retour de l’Europe, un groupe de zouaves canadiens au nombre de quatorze viennent d’acquérir des lots de défrichement aux confins du diocèse des Trois-Rivières (aujourd’hui diocèse de Sherbrooke), dans le canton de Marston, sur le bord du lac Mégantic pour y bâtir une nouvelle cité dédiée au Pape Pie IX qu’ils avaient servi à Rome.

Le 18 avril 1871, les zouaves quittèrent Montréal avec leur missionnaire l’abbé Alphonse Séguin sous l’invitation de Monseigneur Ignace Bourget évêque du diocèse de Montréal. Le chemin de fer les conduisit à Sherbrooke. De là, ils se rendirent à Winslow par diligence et le reste du chemin, soit une distance d’une trentaine de milles, est franchie à pieds à travers les bois. Ils arrivèrent à destination le 21 avril. Ils y trouvèrent un camp de bûcherons d’une seule pièce au rez-de-chaussée et d’un grenier avec un plancher mal ajusté qui sert de dortoir.

L’abbé Séguin accomplit un travail qui consiste à encourager les zouaves contre d’éventuels découragements ou encore contre les Écossais déjà établis dans ce comté; car ceux-ci voyaient d’un mauvais œil l’arrivée des Canadiens-Français. Le 24 septembre 1871, la nouvelle colonie est déjà organisée. De nouveaux colons arrivent de jour en jour… C’est ainsi que Piopolis naquit. Le nom signifie «ville de Pie» ou «ville du Pape» en l’honneur de Pie IX.