Père Jacques Buteux, martyr
Jacques Buteux est né en avril 1600 à Abbeville en France, dans la région de la Picardie. Il entra, le 2 octobre 1620, dans la compagnie de Jésus (Jésuite), à Rouen. Arrivé à Québec le 24 juin 1634, il fut de suite chargé d’aller, avec le père Le Jeune, fonder la mission des Trois-Rivières.
Pendant dix-huit ans, il s’occupa à convertir les Montagnais et les Algonquins. Doué d’une grâce toute particulière, il sut toucher les cœurs de ces Amérindiens et leur inspirer les sentiments de la piété. Dans une lettre de 1640, le Père Buteux note que les autochtones ont commencé à cultiver la terre et à se fixer aux alentours, et il ajoute: « Ils sont fort intéressés par tout ce qui touche à la piété et au culte divin. Depuis que nous sommes ici, nous en avons baptisé environ cinq cents » (c.f. Pages Trifluviennes). Dès l’année 1641, quelques autochtones de la nation des Attikameks (ou Poissons Blancs), descendus à la résidence des Trois-Rivières s’étaient fait instruire, et avaient embrassé la foi avec une grande ferveur.
L’anéantissement des missions huronnes, en 1649, incite le missionnaire à répondre aux invitations pressantes des Attikamègues établis dans le bassin supérieur du Saint-Maurice. « Il y a dans tous ces quartiers-là, écrit Buteux, quantité d’autres Nations, plus que nous n’en pourrons baptiser, eussions nous encore quarante ans à vivre, et ces gens n’ont aucun commerce avec nous. C’est de là que les Hurons, avant que leur pays fut désolé, tiraient quasi tous leurs Castors, qui maintenant n’étant plus divertis ailleurs viendront à nos habitations Françaises, pourvu que l’Iroquois ne trouble point notre repos. »
Le 27 mars 1651, le père Buteux, accompagné de deux Français et d’une quarantaine d’Attikamègues, entreprit la montée vers le Nord. L’expédition dura trois mois. Les voyageurs atteignirent des régions où vivaient des tribus qui n’avaient eu aucun contact avec les Blancs. Désireux d’aller jusqu’à la baie d’Hudson l’année suivante, le père Buteux fit envoyer des cadeaux « à des Capitaines de quelques Nations tirant plus vers le Nord ».
À la fin de son journal de voyage aux sources du Saint-Maurice, le missionnaire avait exprimé son désir de pousser plus loin son exploration évangélisatrice : « J’espère au Printemps prochain faire le même voyage, et pousser encore plus loin jusqu’à la mer du Nord, pour y trouver de nouveaux peuples, et des Nations entières, où la lumière de la foi n’a jamais encore pénétré. Depuis ce voyage, les Iroquois sont entrés dans ce pays, qui semblait quasi inaccessible » (lac Kisagami). Dans une lettre au père Ragueneau, il ajoutait : « je n’aurais jamais cru qu’ils eussent pû trouver ni aborder ce lac avec leurs canots : nous marchâmes environ vingt jours sur les neiges, au voyage que j’ai fait en ces contrées, devant que de le rencontrer ».
Le 4 avril 1651, le père Buteux partit pour aller servir la mission de Saint-Pierre à Shawinigan au milieu de cette tribu, située au nord des Trois-Rivières. La veille de son départ, il a le pressentiment que sa mort approche. En effet, il écrivit au père Ragueneau. » Mon Révérend Père, c’est à ce coup qu’il faut espérer que nous partirons. Dieu veuille que ces résolutions soient fermes, et qu’enfin nous partions une bonne fois, et que le ciel soit le terme de notre voyage. Sac spes reposita est in sinu meo. Je pars accompagné de mes misères, j’ai grand besoin de prières. Le cœur me dit que le temps de mon bonheur s’approche. Dominus est, quod bonum est in oculis suis faciat. »
Le 10 mai 1652, à l’occasion d’un voyage que le Père Buteux effectue dans le Haut-Saint-Maurice, accompagné d’un français, Pierre Fontarabie et d’un Huron converti Thomas Tsondoutannen. Ils sont surpris dans une embuscade. « Alors qu’ils font un portage par des lieux escarpés, ils subissent l’attaque surprise de quatorze Iroquois blottis derrière les arbres » (c.f. Dictionnaire Général du Canada). « Le Huron, qui marchait le premier, fut saisi si subitement, qu’il n’eut pas le loisir de faire aucun pas en arrière. Les deux autres, un peu plus éloignés, furent jettés par terre, les ennemis ayant fait sur eux la décharge de leur fusils. Le Père tomba blessé de deux balles à la poitrine, et d’une autre au bras droit, qui lui fut rompu ». Tous deux expirèrent en prononçant le saint nom de Jésus. Leurs corps dépouillés furent jetés dans la rivière Saint-Maurice.
Ainsi se terminait tragiquement, le 10 mai 1652, une audacieuse randonnée apostolique. La nouvelle du drame fut rapportée à Trois-Rivières le 8 juin par le Huron Tsondoutannen, qui avait réussi à s’échapper.
Sources:
Le Jeune, Dictionnaire Général du Canada
Pages Trifluviennes Série B – No 6 : Jacques Buteux, Le premier évangélisateur de la région du Saint-Maurice (1634-1652), page 36.
Abbé Nicolas Pinaud, Petite histoire de Notre-Dame du Cap et du Miracle du Pont de glace dit »pont des chapelets, éditions Saint Agobard, pages 13 à 15